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ENVIE — EON DE L’ÉTOILE


(ollendam amicitiain ciim eo. Marc, Instiliitiones morales, n. 369. A propos du déplaisir cause par la prospérité du pTochàin, aifjlctio in prosperis, saint Thomas fait la remarque suivante qui sert à mieux préciser le vrai caractère de l’envie : Affliclio autem in prosperis proximi, uno modo est ipsa invidia : in qiianlnm scilicet aliquis Iristaiiir de prosperis alicujiis sccundnm qiiod habent gloriam qunmdam. Alio vero modo est filia invidiæ, secundiun quod prospéra proximi eveniunt contra conatum inuidentis, qm conatur impedire. Siim. theol., II » 11 » ^, q. xxxvi, a. 4, ad S"".

On n’étonnera personne en disant que l’envie a joué un rôle immense dans l’histoire du monde. Il semble que ce vice, justement appelé un péché diabolique, devrait être le triste apanage de l’esprit de ténèbres ; et cependant, l’homme, s’il n’est pas transformé par la grâce, est très exposé à devenir l’esclave de l’envie. Qui pourrait compter les calomnies, les rapports malicieux, les injustes persécutions dont ce vice maudit a été la cause, sans parler des œuvres utiles qu’il a supprimées ou entravéss ? Il est, à vrai dire, un des pires ennemis de la religion et de la société. L’Écriture sainte nous fournit, à cet égard, les exemples les plus frappants. C’est par l’envie du démon que le péché est entré dans le monde. Invidia dialmli mors introivil in orbem tcrrarum : imitantur oulem illum qui sitnt ex parle illius. Sap., ii, 24, 25. C’est l’envie qui arme contre le juste Abel la main du cruel Caïn, Gen., iv, 3-8 ; I Joa., iii, 12. C’est sous l’empire de la même passion qu’Ésaii forme contre .Jacob des projets homicides, Gen., xxvii, 41 ; que .loseph est vendu par ses frères, Gen., xxxvii, 10-20 ; que David est persécuté par Saul, qui avait « l’œil » sur lui, I Reg., xviii, 9, 29 ; enfin n’est-ce pas l’envie qui a excité contre Notre-Seigneur la fureur des Juifs déicides ? Marc, xv, 10.

III. Remèdes.

De ce qui précède, il est facile de déduire, comme corollaire, la méthode à suivre pour la guérison de l’envie, et les principaux remèdes ù employer.

L’envie étant une des formes de la tristesse, souvent il sera bon de faire diversion, de procurer à l’envieux quelque honnête distraction qui l’aide à sortir du marasme où le jette sa noire passion. Cf. S. Thomas, Sum. theol., II » 11^", q. xxxviii.

L’envieux est un insensé qui se rend maliieurcux en s’aflllgeant du bien d’autrui ; il est la preniiôrc victime de sa propre malice. Pulchrc quidam de neotcricis, dit saint Jérôme, græcum versum Iransferens, elegiaco melro de invidia lusit, dicens :

Juslitts invidia nihil est qnm protinus ipsiim Aiiclorem rodil, cxcriicinlqiic animiim. Cnmmertl. in Bpisl.adGal., . III.c. v, 7’. /^., t. xxvi, col. 417.

Ces considérations prudemment développées, sont certainement de nature à ramener les envieux à des sentiments plus raisonnables.

L’envie est le fruit de l’orgueil. Pour en préserver les fîmes, il importe donc de leur inculquer fortement J’hnmilité. Au lieu de s’affliger du succès d’autrui, l’humble est tout disposé à s’en réjouir. Il redit volontiers la parole de saint Jean-Baptiste : Illum oportel crrscere, me aulem minui..Joa., iii, 30.

L’envie est opposé à la charité fraternelle. L’amour envers le prochain sera donc le grand remède à ce vice. C’est pourtiuoi un directeur pruflent et éclairé rappellera souvent que l’amour de Dieu est inséparable de l’amour du prochain, I.loa., iv, 20 ; qu’il est impossible de se sanctifier si l’on garde dans son « icur des dispositions contraires h la charité, telles que rancune, envie, etc. C’est un point très impor( ml, sur lequel même les personnes pieuses sont

exposées à se faire illusion. On ne saurait donc y revenir avec trop d’insistance.

Outre les auteurs cités dans le corps de l’article, voir S. Cyprien, Liber de zelo et livore, P. L., t. iv, col. 637-652 ; S. Augustin, Exposilio Epist. ad Gai, n. 52, P. L., t. xxxv, col. 2142 ; S. Grégoire de Nysse, De vila Moijsis, P. G., t. XLiv, col. 321, 325 ; S. Jean Chrysostome, In Joa.. homil. XXXVII, n. 3, P. G., t. lix, col. 210 ; In Epist. ad Rom., homil. vii, n. 6, P. G., t. lx, col. 449-451 ; S. Basile, De invidia, xi, P. G., t. xxxi, col. 372-384 ; Buseus, Panarius, t. i, p. 528-548 ; cardinal Bona, Manudnclio ad cselum, viii ; Grosse, Cours de religion, d’après l’ouvrage allemand du R. P. Wilmers, Paris, 1880, t. iv, p. 145 ; Laborie, Les péchés capitaux, x, xi, Paris, 1908 ; Bouchage, Pratique des vertus, Paris, 1908, t. i, p. 472 ; Merx, Thésaurus biblicus, Paris, 1883, p. 285-287 ; Marc, Institutiones morates, Rome, 1911, n. 368-369, et les autres moralistes.

L. Desbrus.

ÉON DE L’ÉTOILE, Bons, Eudo, Enno, Evus, de Stella, hérétique, condamné au concile de Reims (1148). Il naquit à Loudéac, d’après le Chronicon britannicum, dans Recueil des historiens des Gaules el de la France, Paris, 1781, t. xii, p. 558. Cf. A. de la Borderie, Histoire de Bretagne, Rennes, 1905, t. iii, p. 210. Il est mal connu. A prendre à la lettre la plupart des chroniqueurs qui s’occupent de lui, on a l’impression que ce fut un fou. Ils racontent que c’était un ignorant qui, entendant chanter à l’église : Per eum qui venturus est judicare vivos et mortuos, crut que le mot eum le désignait — Guillaume de’Nev/hury (Neubrigensis), De rébus anglicis, ]. I, c. xix, dans Recueil des historiens des Gaules et de la France, Paris, 1786, t. xiii, p. 97, dit qu’on l’appelait sermone gallico Eun — - donc qu’il devait, lui, juger les vivants et les morts, donc qu’il était le fils de Dieu. Il publia cette découverte, recruta de nombreux adhérents, marcha à leur tête, entouré de disciples qu’il appelait anges, sagesse, jugement, etc. Après diverses péripéties, il comparut, au concile de Reims, devant le pape Eugène III ; il s’appuyait sur un bâton fourchu, et, comme on lui demanda ce que cela signifiait, il répondit : « C’est un grand mystère. Lorsque je tiens ce bâton les deux pointes en l’air. Dieu a en sa puissance les deux tiers du monde ; mais, quand je renverse les deux pointes, alors, plus riche que mon père, je commande aux deux tiers du monde, et Dieu n’a plus que l’autre tiers. » Le concile accueillit cette déclaration par un éclat de rire. Si tout cela est exact, Éon fut un de ces maniaques, qui ne manquèrent pas au moyen âge, dont la folie fut invraisemblablement contagieuse. Mais faut-il accepter ces témoignages tels quels ? Les plus détaillés, en particulier celui de Guillaume de Newbury, se corsent de récits extraordinaires sur des prestiges diaboliques : Éon aurait été entouré d’une lumière fantastique, transporté par le diable d’une provmcc dans l’autre ; il aurait nourri la foule qui le suivait dans les déserts de mets abondants ajjparus à l’improviste, qui, du reste, n’étaient pas solides, mais aériens, etc. Cf. les quelques lignes si expressives de Robert de Torigni, dans L. Delisle, Chronique de Robert de Torigni, abbé du mont Saint-Michel, Rouen, 1872, t. i, p. 248. Les succès d’Éon parurent tellement disproportionnés avec le mérite du personnage qu’on voulut les expliquer par l’intervention du diable (Otte réputation de sorcellerie s’est maintenue et même amplifiée dans la suite. Ct. P. Levot, Biographie bretonne, t. i, p. 676.) Peut-être ne serait-on pas éloigné de la vérité en supposant : 1° que la popularilé dont il jouit était due, pour une bonne part, aux théories d’ordre pratique lancées par lui dans la circulation. Éon, remarque justement P. Levot, Biographie bretonne, t. I, p. 677, n’est rien moins’que rajjôlre du commu-