tienne, et non celle d’un polémiste qui entend réfuter certaines erreurs ou celle d’un théologien exposant avec preuves à l’appui quelqu’une des vérités de la foi. 11 n’en affirme pas moins avec netteté certains dogmes, tels que l’unité divine et la création ex nihilo, Mand., 1, 1, p. 388 ; cf. Sim., v, 5, 2 ; vii, 4 ; mais il est loin d’être aussi catégorique sur la Trinité et la christologie. Là, sa pensée est nuageuse et son langage déconcertant. Ce n’est point sans quelques subtilités que certains critiques ont défendu son orthodoxie ; entre autres Jackman, Der Hirt des Hermas, Kœnigsberg, 1835, p. 68-73 ; Hefele, Opéra Patrum apost., 4e édit., Tubingue, 1855, p. 386, n. 3 ; Dorner, Lehre von den Person Christi, 2e édit., 1845, p. 190-205 ; Gaâb, Der Hirt des Hermas, Bâle, 1866, p. 77-82 ; Zahn, Der Hirt des Hermas, Gotha, 1868, p. 253-282 ; Donaldson, The apostolical Fathers, 2e édit., Londres, 1874, p. 353358 ; Freppel, Les Pères apostoliques, 4° édit., Paris, 1885, p. 318 ; Rambouillet, L’orthodoxie du livre du Pasteur d’Hermas, Paris, 1880 ; Un dernier mol sur l’orthodoxie d’Hermas, Paris, 1880, dans la Revue du monde catholique, 1880, p. 21 sq. ; A. Briill, Der Hirt des Hermas, 1882 ; J. Schwane, Dogmengeschichte der vornicânischen Zeit, 2e édit., 1892, p. 61 ; trad. franc., Paris, 1903, t. i, p. 65 ; R. Seeberg, Lehrbuch der Dogmengeschichte, 1895, 1. 1, p. 22 ; d’autres, par contre, Lipsius, Zcilschrijt /ûr wiss. Théologie, 1865, p. 277282 ; 1869, p. 273-285 ; Bardenhewer, Les Pères de l’Église, trad. franc., Paris, 1898, t. i, p. 94 ; Funk, Opéra Patrum apost., Tubingue, 1881, t. i, p. 458 ; 1901, t. i, p. cxli-cxliii, ont accusé Hermas d’identifier la seconde personne de la Trinité avec le Saint-Esprit, et même, d’après Harnack, dans ses notes, Vis., v, 2 ; Sim., v, 5, 2 ; 6, 5 ; viii, 1, 2 ; ix, 1, 1 ; Duchesne, Les origines chrétiennes, édit. lith., Paris, 1885, p. 198, avec l’archange saint Michel. Mgr Duchesne ne parle plus de cette identification, Histoire ancienne de l’Église, Paris, 1906, t. i, p. 232-234. Cf. Lueken, Michæl, Gœttingue, 1898, p. 87, 148-154 ; E. Huckstadt, Der Lehrbegriff des Hirten, 1889 ; O. Bardenhewer, Christi Person und Werk in Hirten des Hermas, 1886 ; Funk, Patres apostolici, 2e édit., Tubingue, 1901, 1. 1, p. 532-540. Ce que l’on doit reconnaître à tout le moins, c’est que sa terminologie laisse beaucoup à désirer.
Voici, en effet, un premier passage qui permettra d’en juger : il est relatif aux trois personnes divines. Un homme, dit le Pasteur, Sim., v, 2, p. 450-452, possède un domaine et de nombreux serviteurs. Il sépare une partie de ce domaine et y plante une vigne. Puis choisissant un serviteur fidèle et honorable, il le charge d’échalasser cette vigne, en lui promettant la liberté. Le maître parti, ce serviteur se met à l’œuvre, et non seulement il échalasse la vigne, mais encore il en arrache les mauvaises herbes, chose qui ne lui avait pas été prescrite. A son retour, le maître est informe du zèle de son serviteur, et voyant que celui-ci avait fait plus qu’on ne lui avait demandé, il convoque en conseil son fils et ses amis ; d’accord avec eux, il décide que le bon serviteur partagera son héritage avec son fils. Ayant fait un festin, il envoie des provisions au serviteur fidèle qui, après en avoir pris sa part, donne le reste à ses compagnons de servitude.
Il y a bien là trois personnages distincts : le maître, son fils et son serviteur. Mais qui sont-ils ? Le champ, explique le Pasteur, Sim., v, 5, 2-3, p. 460, représente ce monde, dont le maître est Dieu, créateur de toutes choses. Le fils du maître est le Saint Esprit. Filius autem Spiritus Sanctus est, porte la version Vulgate. Ces mots, il est vrai, ne se trouvent ni dans le texte grec ni dans la version palatine ; ils n’en représentent pas moins la pensée de l’auteur, puisqu’il dit ailleurs : » Je veux te montrer ce que t’a montré l’Esprit-Saint,
qui t’a parlé dans la personne de l’Église ; car cet Esprit est le fils de Dieu : èy.eîvo yàp to ^veuixa ô ito ; toù 0eo3 iv-iv. Sim., ix, 1, 1, p. 498. Quant au serviteur, il est le fils de Dieu ; ô 8s ooûXo ; ô uîoçtou 0sou èatïv. Sim., v, 5, 2, p. 460. Or ce serviteur, nommé fils de Dieu, prépose des anges à la garde de l’Église ; il extirpe les mauvaises herbes ou déracine les péchés par ses labeurs et ses souffrances ; et il partage les reliefs du festin avec les autres serviteurs. Telle est son œuvre : œuvre de rédemption, sans que soit mentionnée la mort expiatoire, et œuvre de communication de la grâce par la prédication évangélique. Pas une seule fois l’auteur ne le signale sous le nom de Verbe, de Christ ou de Jésus, pas plus qu’il ne songe à dire la différence qu’il y a entre sa filiation divine et celle du Saint-Esprit.
Voici un autre passage relatif à l’incarnation : « Le maître a appelé en conseil son fils et les anges glorieux pour délibérer sur la participation du serviteur à l’héritage ; cela veut dire : l’Esprit-Saint qui préexistait, qui a créé toute créature, Dieu l’a fait habiter dans une chair choisie par lui. Cette chair, dans laquelle habitait le Saint-Esprit, a bien servi l’Esprit en toute pureté et toute sainteté, sans jamais lui infliger la moindre souillure. Après qu’elle se fut ainsi bien et saintement conduite, qu’elle eut aidé l’Esprit et travaillé avec lui en toute action, se montrant toujours forte et courageuse, Dieu l’a admise à participer avec l’Esprit-Saint. La conduite de cette chair a plu à Dieu, car elle ne s’est pas souillée sur la terre pendant qu’elle possédait l’Esprit-Saint. Il a donc consulté son fils et ses anges glorieux afin que cette chair, qui avait servi l’Esprit sans aucun reproche, obtînt un lieu d’habitation et ne perdît pas le prix de son service. » Sim., v, 6, 4-7, p. 462. « Que conclure de là, demande Bardenhewer, Les Pères de l’Église, trad. franc., Paris, 1898, t. i, p. 94, sinon que, visiblement, la distinction entre le Saint-Esprit et le Fils de Dieu découle de l’incarnation ; le Fils de Dieu avant l’incarnation et le Saint-Esprit ne font qu’un. » Et Bardenhewer ajoute : « C’en est donc fait de la Trinité, dans la pensée d’Hermas, tant que Jésus n’a pas achevé l’œuvre de la rédemption ; la Trinité ne se constitue que lorsque l’humanité du Sauveur s’élève au rang du Père et du Saint-Esprit. »
Il est question plusieurs fois, Vis., v, 2 ; Mand., v, 1, 7 ; Sim, v, 4, 4 ; vii, 1, 5 ; viii, 1, 1, p. 384, 402, 456, 474, 476, 478, d’un ange qui est au-dessus des six anges supérieurs qui forment le conseil de Dieu ; et cet ange est tour à tour qualifié de très vénérable, de saint, de glorieux, as^vôra-o ;, ây 10 ? » ËvBoÇoç, dans lequel la plupart des interprètes ont vu le Christ. Mais Hermas finit par le nommer, et il l’appelle Michel. Sim., viii, 3, 3, p. 484. Serait-ce qu’il identifie le Fils de Dieu avec l’archange saint Michel ? La réponse semblerait devoir être affirmative à raison de multiples ressemblances que le Pasteur relève entre l’un et l’autre dans leurs fonctions. L’un et l’autre, en effet, sont investis de la toute-puissance sur le peuple de Dieu, Sim., v, 6, 4 ; viii, 3, 3, p. 462, 484 ; l’un et l’autre prononcent sur le sort des fidèles, Sim., viii, 3, 3 ; ix, 5, 2-7 ; 6, 3-6 ; 10, 4, p. 484, 508, 510 ; l’un et l’autre remettent les pécheurs à l’ange de la pénitence pour les amender. Sim., viii, 2, 5 ; 4, 3 ; ix, 7, 1-2, p. 480, 484, 510, 512. Mais cette analogie de situations et de missions n’a point paru suffisante à Zahn, Der Hirt des Herm is, Gotha, 1868, p. 263278, et à Bardenhewer, Les Pères de l’Église, trad. franc., Paris, 1898, t. i, p. 95, pour en induire l’identité des personnes, d’autant plus que des différences de dénominations et d’attributs sont caractéristiques. C’est ainsi que saint Michel est toujours qualifié d’ange et que le Fils de Dieu ne porte jamais ce nom ; si saint Michel a pouvoir sur le peuple, le Fils de Dieu n’est pas seulement le maître du peuple, Sim., v 6, 4, p. 462,