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HONORIUS 1er


blés à Alexandrie et à Constanliuople, puis Houorius. Si. comme le prétendent nombre d’apologistes, Léon II fait une distinction, que n’avait point faite le concile, entre les inventeurs de lliérésie et Honori ; is, qui aurait seulement favorisé l’erreur par son attitude hésitante, il faut bien avouer que cette distinction est beaucoup plus dans la pensée du pape que dans la manière dont il l’a exprimée. Deux choses sont reprochées à Honorius ; il n’a pas fait les efforts nécessaires pour faire resplendir de l'éclat convenable la tradition apostolique, où qui est négatif. Il n’a l)as rempli convenablemei-t son magistère de pontife romain ; ceci est le reproche de négligence que cerlains prétendent exclusivement découvrir dans la sentence de Léon II. Il y en a un autre ; cette négligence a causé une souillure à l'Église romaine, jusquelà immaculée. Pourquoi, sinon parce que Honorius a laissé pénétrer dans son enseignement l’erreur avec laquelle il fut trop complaisant ? Le concile avait dit de lui « qu’il avait suivi la doctrine de Sergius, et sanctionné ses enseignements impies ». Il y a une nuance importante entre l’expression de Léon II et celle du concile : je n’arrive pas à y découvrir l’opposition que veut y voir le P. Grisar, après Pennachi. t Par ces paroles, dit-il, Léon II n’interprétait pas seulement d’une manière modérée la sentence conciliaire, il lui substituait un jugement de sa façon, et d’ailleurs fort sévère. » Kirchenlexk o'î, t. vt, col. 255-'257. J’ai dit, plus haut, en quel sens il me semble que le concile a condamné Honorius ; pourquoi voudrait-on que, sans prévenir d’aucune manière, le pape eût adopté un sens différent de celui qui ressort des termes mêmes de l’assemblée'? Il semble conforme aux principes de la saine critique d’admettre que la lettre de Léon II à Constantin ratifie purement et simplement les décisions du VI « concile.

Écrivant aux évêques d’Espagne pour leur rendre compte de ce qui s’est passé en Orient et porter à leur connaissance Ici condamnations prononcées, le pape Léon II sera plus libre de mettre une nuance entre la sentence portée contre les fauteurs mêmes de l’hérésie et celle qui atteignait le malheureux Honorius. « Ceux, dit-il, qui ont combattu contre la pureté de la tradition apostolique ont été frappés d’une éternelle coudamnation, c’est à savoir Théodore de Pliaran Cyrille (l'.Alexandrie, les Constantino, iolitains Sergius, Pyrrhus, Paul et Pierre, avec Honorius, qui n’a point, comme il convenait à l’autorité apostolique, éteint la flamme commençante du dogme hérétique, mais l’a entretenue par sa négligence. » Mansi, t. xi, col. 1050. La lettre au roi des Wisigoths Erwige (qu’elle soit de Léon II ou de son successeur Benoît II) reproduit plutôt la pensée et l’expression de la lettre à Constantin. Elle annonce au monarque la condamnation des chefs de l’hérésie ;-avec eux fut également anathématisé Honorius de Home, qui a laissé souiller la règle immaculée de la tradition aiiostolicpie qu’il avait reçue de ses prédécesseurs. Mansi, ibid., col. 1057.

La notice du Liber pontiftcalis relative à Léon II, et qui a été rédigée très i)cu de temps après la mort de ce pape, s’exprime avec une parfaite sérénité sur la réception du VI concile par le souverain pontife. Léon II, dit-elle, reçut le VI » saint concile qui, par la providence de Oicu, a été réccinment célébré dans la capitale (in rrgid itrbc)… et où furent condamnés Cyrus, Sergius, Honorius, Pyrrhus, Paul et Pierre. C’est le texte même qui se lisait au bréviaire romain pour la fêle de saint Léon II (28 juin) Jusqu’au moment de la réforme de saint Pie V, où les correcteurs romains jugèrent prudent de suppriincr de la liste des condamnés lo nom d’Honorins.

Les lilurgistes romains du viii-siècle n’avaient pas de ces scrupules. Il s’est conservé sous le nom de

Liber diurnus un curieux recueil des formules en usage dans le cérémonial pontifical. On y lit plusieurs l)rofessions de foi que le pape devait prononcer en diverses circonstances, à son élection, à son couronnement, etc. Voici un extrait de celle où le souverain pontife promettait de défendre la foi du Christ, « que les apôtres ont proclamée, que les disciples des apôtres ont enseignée, que nos prédécesseurs apostoliques dignes de vénération ont immuablement conservée et défendue. » Suit la liste des cinq premiers conciles avec une brève caractéristique de chacun d’eux, une notice plus longue sur le VI" concile et les conditions où il fut célébré, et une claire affirmation du dogme dyothélite, enfin la liste des condamnés, c’est à savoir les aulcu s du nouveau dogme hérétique, Sergius, Pyrrhus, Paul et Pierre de Constantinople, en même temps qu’Honorius, lequel a favorisé leurs assertions perverses, et semblablement Théodore de Pharan, etc. P. L., t. cv, col. 52.

Le souvenir de la condamnation d’un pape par un concile ne disparaîtrait donc pas de si tôt de la mémoire des pontifes romains. Un texte particulièrement intéressant et de nature à créer des embarras à ceux qui veulent à toutes forces plier les faits à leurs théories, est relatif aux graves démêlés qui éclatent au milieu t'.u ixe siècle entre Rome et Byzance. Le patriarche Photius n’a pas seulement osé rompre l’union avec Rome, il est allé jusqu'à juger le pape et à le déposer. Puis la fortune a tourné contre l’ambitieux Byzantin. Le VIII" concile œcuménique célébré à Constantinople a proclamé une fois de plus l’union avec Ronre et accepté la condamnation portée par Hadrien II contre le prélat rebelle dans le synode romain de 869. Les actes de ce > node furent lus et approuvés dans la VH" session. Mansi, Concil., t. xvi, col. 126. Hadrien y exhalait son indignation contre la tentative inou’i’e du patriarche de Constantinople.

« Qui d’entre vous, disait-il, a jamais entendu quelque chose de semblable ? Nous lisons (dans les textes)
« tue le pontife romain juge les chefs de toutes les

Eglises, nous ne lisons nulle part <iuc quehiu’un l’ait jamais jugé. Bien qu’en effet l’anathème ait été prononcé contre Honorius par les Orient aux après sa mort, il faut savoir que la raison en est qu’H)norius avait été accusé d’hérésie, seule cause pour laqnelle il est licite aux inférieurs de résister à leurs supérieurs et de repousser leurs sentiments pervers. Et encore dans ce cas même, il n’eût été permis ni aux patriarches, ni à quelqu’un des autres évêqucs, de porter à son sujet wnQ sentence quelconque, sans la permission préalable et l’autorité du nouveau pontife. » Par où l’on voit qu’Hadrien exprimait comme une incontestable vérité ce que nous avons énon -ê à titre de conjecture, à savoir que l’attitude des légats romains, lors de la condamnation d’IIonorius, s’explique par le caractère fort large des instructions qu’ils auraient reçues du pape .Vgathon. soit avant leur départ pour le concile, soit au cours même des délibérations.

Résumons dans les questions suivantes tout le procès d’IIonorius. Dans ses deux lettres à Sergius, le pape a-t-il propagé un enseignement hérétique, au sens précis où se prend le mot aujourd’hui ? Non, certainement. Ces lettres ont-elles le caractère d’un document olFiciel de l'Église romaine, ou ne doivent-elles être considérées que comme une correspondance privée ? La seconde hypothèse est à écarter ; nous sommes en présence d’un document où le pape engage sa responsabilité de chef suprême de l’I-^glisc. (^c document ne contient-il pas un certain nombre d’expressions et surtout de déductions regrettables, propres à favoriser le développement d’une doctrine hétérodoxe ? Ceci est incontestable et, dans le fait, l'évolution du monothélisnie ofFicfol en fut certainement accélérée.