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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/67

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IIONORIUS 1er


11 reste donc qu’un concile légitime, reconnu coiunie le rejjréscnlant de la catholicité, aussi bien par le pape et ses légats que par le consentement général de l'Église, a condamné légitimement Ilonorius. Ce concile s’est-il trompé? 11 l’aurait lait à coup sûr si, prenant la question au point de vue exclusivement dogmatique, il avait porté un jugement doctrinal et motivé sur l’enseignement même d’IIonorius. Car, nous l’avons montré, la pensée du pontife était dans le fond orthodoxe, et son expression même pouvait, en y mettant quelque bonne volonté, se raccorder avec la terminologie qu’allait canoniser le concile. Mais, ainsi que nous l’avons déjà fait renaarquer, l’assemblée s'érigeait en juge beaucouj) moins d une théologie que d’une politique et des personnages qui l’avaient représentée. Cette attitude était conforme à un précédent. Qu’on se rappelle les luttes obscures autour des Trois Chapitres, les variations du pape Vigile et la condamnation portée finalement contre Théodore de Mopsueste et Théodoret par le concile de 563. Qu’on se rappelle également comment la qualification d’hérétique, que nous réservons aujourd’hui à ceKii qui avec opiniâlrelé persévère dans une doctrine condamnée par l'Église, s'était élargie au vi>^ siècle jusqu'à menacer tous ceux, quels qu’eussent été par ailleurs leurs mérites et leur bonne foi, qui n’avaient pas parlé et pensé comme les théologiens officiels de Byzance. Pêle-mêle avec le problématique Simjn le Magicien et les auteurs vrais ou supposés du gnosticisme, on avait condamné comme hérétiques, en 553, Origène, Didyme l’Aveugle, d’autres encore dont le crime était de n’avoir pas prévu le développement de la pensée et de la terminologie postérieures. Quoi d'étonnant, étant données ces thspositions d’esprit (que l’on retrouve beaucoup plus développées à Constantiuoi le qu'à Rome), quoi d'étonnant que l’on se soit montré sévère pour la mémoire d’Honorius ? Quelle qu’eût été sa pensée intime à l’occasion d’une controverse et d’une terminologie nouvelles, quelle qu’eût été sa bonne foi, quelles qu’eussent été les circonstances de fait qui excusaient sa démarche inconsidérée, il n’en restait pas moins que cette démarche avait été exjjloitée en faveur d’une doctrine dont le caractère hérétique s'était précisé par la suite. Du moiTient que les conciles orientaux s'étaient mis en tête de juger des morts, avaient exclu dès lors toute recherche de la pensée, des intentions, des motifs d’agir, il était inévitable qu’Honorius fût condamné. Il l'était, il devait l'être, au même titre que Sergius et que Cyrus, dont il avait en tout suivi la politique ; les Pères du concile l’ont voulu dire et ils l’ont dit. avec peut-être dans le fond une joie maligne et bien peu évangélique d’humilier les chefs de la vieille Rome. Mais cette arrière-pensée n’enlève rien à la portée de la condamnation. Pour emjirunter les paroles de Combéfis, ( les Pères ont agi avec autant de justice que de prudence ; de justice, parce qu’en réalité' il se trouvait en Ilonorius des erreurs répréhensibles ; de prudence, car il s’agissait de couper court à tous les subterfuges des hérétiques. Patres egerunl tum œconomia tum juslitia. »

3° Approbation par les papes des décisions du V h' concile œcuménique. — Les légats romains séjournèrent un certain temps encore à Constantinople après la clôture du concile, puisque c’est seulement en juillet 682 qu’ils rentrèrent à Rome. Ils apportaient avec eux. outre les acte ? du concile, la permission, donnée par le basileus, de procéder à la consécration du nouveau pape Léon II, élu en janvier 681 pour remplacer Agathon. Il n’est point invraisemblable de supposer quelles raisons firent prolonger aux Occidentaux leur séjour à Byzance. Le basileus, sans doute, ne voulait approuver l'élection <hi pape quc si celui-ci s’enga geait à accepter [jurement et simplement les décisions du concile, y compris le jugement sévère j orté sur la mémoire d’IIonorius. La lettre de réponse du pape Léon semble faire allusion à un échange de notes entre les légats demeurés à Constantinople et la chancellerie pontificale ; en tout cas, la rédaction de la notice du Liber ponti/icalis relative au pai>e Agathon montre bien que l’on aail à Rome des nouvelles de ce qui s'était passé sur le Bosphore, avant le retour des légats et la lecture du rapport officiel qu’ils devaient ajjporter.

A Conslantinojjle, <rautre part, on ne devait pas être sans inquiétude, les légats éloignés, sur les suites que comporterait l’alTaire. Comment Rome accepterait-elle la condamnation d’Honorius ? Comment le siège romain prendrait-il cette atteinte à l’axiome (courant, bien que d’origine apocryphe) : Prima scdesa nemine judicaturt Le pape Agathon avait, dans sa lettre au concile, espéré parer le coup, en insistant sur le magistère infaillible du siège romain, et voici que le concile avait répliciué en déclarant qu’il ne faisait que se conformer, en proscrivant la mémoire d’Honorius, aux ordres mêmes d’Agathon. Allait-on rentrer dans une période de conflits jjénibles entre les deux capitales du monde chrétien ?

Le pape Léon II eut la sagesse de vouloir fermer cette période de conflits, et les légats l’encouragèrent sans doute à entrer dans la voie des concessions. Tout prouve que nul ne songea à leur tenir rigueur à Rome des compromissions auxquelles ils avaient dû se j rêter ; le diacre Jean ne tardera pas à devenir archidiacre de l'Église romaine et, en 685, sous le nom de Jean V, il succédera à Benoît II, l'éphémère successeur de l'éphémère Léon II. Quoi qu’il en soit d’ailleurs, le pape accepta l’inévitable. Le 7 mai 683 (peutêtre plus tôt déjà, en août 682), il envoyait à Constantin IV une lettre qui approuvait le concile. Mansi, t. XI, col. 730 sq. Après avoir loué la conduite de ses légats pendant le synode, après avoir déclaré s'être rendu un compte exact, aussi bien par la lecture des actes que par celle des rapports et des dépèches de ses envoyés, de la marche des délibérations, il ajoutait : « C’est pourquoi nous-même, et par nous ce vénérable siège apostolique, nous consentons, d’un même cœur et d’un même esprit, aux définitions portées par le concile, et nous les confirmons par l’autorité du bienheureux Pierre. De même donc que nous recevons les cinq premiers conciles, nous recevons également celui qui vient d'être célébré en sixième lieu dans votre ville ; il sera mis sur le même pied que les autres, les Pères qui y siégèrent sont des docteurs de la foi au même titre que les anciens Pères. » Dirait-on, à lire cette phrase si affirmative et d’une portée si universelle, que le pape distingue entre certains actes du concile et d’autres ? Cette déclaration générale doit servir à illustrer ce qui suit. « En outre, continue le pape, nous anathématisons toutes les hérésies, leurs auteurs et fauteurs (suit la liste classique, depui^^ Arius jusqu’aux hérétiques du ve siècle). Semblablement nous anathématisons les inventeurs de la nouvelle erreur, c’est-à-dire Théodore de Pharan, Cyrus d’Alexandrie, Sergius, Pyrrhus, Paul et Pierre de l'Église de Constantinople, et aussi Honorius, qui n’a point fait effort pour faire resplendir cette Église apostolique par l’enseignement de la tradition apostolique, mais a permis par une trahison exécrable que cette Église sans tache fût souillée. » Mansi, ibid.y col. 733. Que l’on veuille bien comparer cette décision du pape Léon II avec la sentence du concile dans la XII session. On verra que le pape reproduit exactement la disposition des noms adoptée par le synode ; à l’exception de Théodore de Pharan, mis en tête IcU c’est exactement la même liste : d’abord les coupa-