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INFAILLIBILITÉ DU PAPE

se l’infaillibilité pontificale, principalement d’après le décret du concile du Vatican.
V. Réponse à quelques objections.
VI. Deux questions complémentaires : l’obligation d’adhérer à l’enseignement pontifical non infaillible, et le privilège de l’exemption de l’hérésie attribué, par quelques théologiens, au pape considéré même comme personne privée.

I. Indication générales.

1° L’infaillibilité doctrinale de l’Église ayant déjà été définie à l’art. Église, t. iv, col. 2175, nous n’avons plus à définir ici l’infaillibilité pontificale, qui, d’après l’enseignement du concile du Vatican, n’est autre que l’infaillibilité du magistère de l’Église considéré d’une manière générale : Docemus et divinitus revelatum dogma esse definimus, Romanum pontificem, cum ex cathedra loquitur… ea infallibilitate pollere qua divinus Redemptor Ecclesiam suam in definienda doctrina de fide vel moribus instructam esse volnit. Scss. IV, c. iv.

Rappelons seulement que l’infaillibilité pontificale, comme l’infaillibilité de l’Église, n’est pas pour le pape une simple absence d’erreur, mais une préservation contre la possibilité même de l’erreur ; et que cette préservation est due à une action particulière de Dieu assistant le pape dans son enseignement public, pour que cet enseignement soit à jamais exempt d’erreur. Voir Assistance du S. Esprit, 1. 1, col. 2123-2127.

2° Notre tâche principale sera double : démontrer, par l’enseignement néo-testamentaire et par l’enseignement traditionnel, la divine institution du magistère infaillible du pape, puis expliquer l’objet et les conditions d’exercice de ce divin magistère. Pour ce dernier point nous serons autorisés à appliquer tout ce qui a été précédemment affirmé de l’objet et des conditions d’exercice du magistère ecclésiastique considéré d’une manière générale.

3° Comme complément de notre travail, nous examinerons la question de l’obligation d’adhérer à l’enseignement pontifical même non infaillible, soit qu’il s’agisse des cas où il peut y avoir incertitude relativement à la réalisation des conditions requises pour un enseignement infaillible, soit qu’il s’agisse manifestement de cas où il ne peut être question d’enseignement infaillible.

4° Nous devrons enfin traiter incidemment la question de la possibilité d’une défaillance de la foi, pour le pape considéré même comme personne privée, à cause d’allusions assez fréquentes que nous rencontrerons, à ce sujet, dans l’étude de la tradition catholique. Nous donnerons un aperçu historique de la controverse sur ce point, et nous indiquerons les conclusions qui paraissent devoir être admises.

II. Enseignement scripturaire sur l’infaillibilité pontificale.

Cet enseignement est particulièrement contenu dans Matth., xvi, 18 sq., et Luc, xxii, 32.

Texte de saint Matthieu.

Tu es Petrus et super hane petram ædificabo Ecclesiam meam et portas injeri non prævalebunt adversus eam, xvi, 18. Bien que l’étude spéciale de ce texte appartienne de droit à l’article Pape, nous la placerons ici tout entière pour ne point laisser comme en suspens et pour ne point fractionner une démonstration scripturaire si importante. Notre étude comprendra donc ces trois points :
1. démonstration de l’authenticité de ce texte contre ses adversaires actuels ;
2. enseignement contenu dans ce texte relativement à la primauté pontificale considérée d’une manière générale ;
3. enseignement relatif à l’infaillibilité pontificale.

1. Démonstration de l’authenticité de ce texte.

Cette authenticité est niée par beaucoup de critiques non catholiques, qui attribuent à des chrétiens du iie siècle la rédaction de ces paroles ainsi que leur insertion dans le texte du premier Évangile. C’est notamment ce qu’affirme A. Sabatier, Les religions d’autorité et la religion de l’esprit, 3e édit., Paris, 1004, p. 209 sq. ; A. Resch, Aussercanonische Parallellexte zu den Evangelion, Leipzig, 1895, p. 185-196). A. Harnack soutenait la même idée, en cherchant à s’appuyer sur deux citations de saint Éphrem que nous rencontrerons bientôt, Der Spruch über Petrus als den Felsen der Kirche, dans les Sitzungsberichle de l’Académie des sciences de Prusse, 1918, p. 637-651. La même position est prise par A. Loisy, Les Évangiles synoptiques, Ceffonds, 1808, t. ii, p. 13 sq.

Pour réfuter ces assertions, en ce qu’elles ont de particulier pour le texte de saint Matthieu, il suffira de montrer que les arguments sur lesquels on cherche à s’appuyer, manquent de valeur.

a) On affirme que les paroles précitées n’ont pu être dites par Jésus, parce que son enseignement, restreint à la seule prédication du royaume de Dieu, ne contient rien du concept de l’Église, tel qu’il se rencontre dans la rédaction actuelle de saint Matthieu et dans la tradition catliolique.

Réponse. — a. Nous indiquerons bientôt, en donnant l’exégèse du texte, quel est le sens de l’expression regnum cælorum dans l’enseignement du Nouveau Testament et particulièrement dans notre texte. De ces indications nous conclurons qu’ici le royaume de Dieu n’est autre que l’Église, avec son concept traditionnel, telle que Jésus-Christ l’a établie.

b. La démonstration de l’institution divine de l’Église, telle qu’elle a été précédemment établie, voir Église, t. iv, col. 2115 sq., nous autorise à conclure que les affirmations critiques que nous combattons sont dénuées de tout fondement. D’après cette démonstration, nous pouvons affirmer que l’enseignement de Notre-Seigneur sur l’Église, tel qu’il nous est garanti par le témoignage constant et universel de la tradition catholique, est substantiellement identique à celui que l’Église catholique a toujours enseigné. On doit toutefois se rappeler qu’il y a eu, au cours des siècles chrétiens, progrès accidentel dans le développement du dogme de l’Église, au sens expliqué à l’article Dogme, t. iv, col. 1641 sq. Nous avons montré à l’article Église, en étudiant les diverses questions particulières, et nous aurons encore l’occasion de montrer à l’article Pape, en quoi ce progrès a consisté.

c. On doit enfin observer que l’affirmation critique que nous combattons est une conception a priori, ayant pour unique fondement l’acceptation d’un postulat qui rejette toute la révélation chrétienne et tout dogme chrétien, ainsi que la divinité de Jésus-Christ. Avec ces idées préconçues, la révélation chrétienne, au lieu d’être l’enseignement donné par Notre-Seigneur à toute l’humanité et auquel est dû le parfait assentiment de la foi, n’est plus que la conscience acquise par l’homme de son rapport avec Dieu, et la foi elle-même, la perception consciente de ce rapport. C’est d’après toutes ces idées préconçues que l’on restreint la prédication de Jésus-Christ dans les trois premiers Évangiles à un avertissement à se préparer au jugement universel qui va s’accomplir et au royaume qui va venir. A. Loisy, Autour d’un petit livre. 2e édit., 1903, p. 69, 131 ; Les Évangiles synoptiques, t. ii, p. 8 sq. Nous n’avons pas à réfuter ici de telles assertions, parce que cette réfutation appartient plutôt à l’apologétique de la révélation chrétienne, qui précède logiquement celle de l’Église et qui est l’objet d’autres articles.

b) On affirme également que les paroles du Tu es Petrus n’ont pas pu être dites par Notre-Seigneur, parce que tout ce qui concerne la primauté attribuée à Pierre doit être rejeté comme invraisemblable.

Réponse. — a. Nous devons tout d’abord affirmer que l’institution de l’Église, telle qu’elle a été démontrée,