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JEAN CHRYSOSTOME (SAINT), LE PRÉDICATEUR ET LE MORALISTE

l’indulgence envers les pécheurs repentants : l’évêque novatien de Constantinople Sisinnius lui reproche d’avoir dit : Mille fois, s’il le faut, faites pénitence, et vous aurez accès aux saints mystères. » Socrate, Hit. Eccl., vi. 21 ; et l’acte d’accusation présenté contre lui au concile du Chêne porte, comme septième grief : « Il encourage à pécher ; s’il vous arrive de pécher une seconde fois, enseigne-t-il, faites pénitence une seconde fois ; chaque fois que vous aurez péché, venez me trouver, et je vous guérirai. Photius, Bibl, . P. G., t. ciii, col. 112. Ces deux témoignages « attestent également In persistance à Constantinople, sous l’épiscopat de Jean, d’un régime pénitentiel comportant l’intervention de l’évêque. Élait-cc le régime de la pénitence publique avec confession préliminaire des fautes à expier ? ou bien y faut-il voir la confession strictement privée, dégagée de tout l’appareil pénitentiel ? Cette seconde hypothèse s’impose à quiconque admet la disparition depuis Nectaire de toute pénitence publique : son successeur n’a pu recommander et pratiquer que la confession au sens précis et technique que nous donnons aujourd’hui à ce mot. » P. Galtier, loc. cil.. p. 221 sq. Ajoutons d’ailleurs que le reproche fait à Jean par ses ennemis d’à voir indiscrètement multiplié le [lardon ecclésiastique témoigne clairement que la pratique en question était tout à fait insolite à l’époque.

Et puis comment se fait-il alors que les écrits de la période constantinopolitaine, il ne soit jamais question d’une autre confession que de celle qui est faite a Dieu ? L’hom. ix, in Ep. ad Hebr., est particulièrement explicite à ce sujet : i Avant de savoir qu’il est possible de se purifier par la pénitence, la pensée qu’il n’existait pas de second baptême nous remplissait d’anxiété et nous jetait dans le désespoir. Mais maintenant que vous savez en quoi consiste la pénitence et la rémission des péchés, et que nous pouvons échapper à tout si nous voulons la pratiquer comme il faut, quelle excuse aurions-nous de ne pas même penser à nos fautes ? Si nous faisions cela, tout serait gagné, car avoir passé la porte c’est être déjà entré : de même celui qui pense à es péchés. S’il les passe en revue chaque jour, il en obtiendra sûrement guérison. Mais s’il se borne à dire : je suis pécheur, sans les passer en revue l’un après l’autre, pour dire : j’ai fait tel ou tel péché, il n’en viendra jamais à bout ; sans cesse il se confessera (pécheur) ; mais jamais il ne travaillera sérieusement à se corriger. » Hotn. ix, in Ep. ad Hebr., 4, t. lxiii, col. 81 ; cf. Hom. xxxi, in Ep. ad Hebr., 3, t. Lxiii, col. 216.

Il faut bien avouer que les formules de Jean sont obscures et prêtent à controverse. Si le dernier de ceux qui, à ma connaissance, ont étudié le problème, le P. Galtier. croit pouvoircondure que.Jean parle de la confession sacramentelle et en recommande l’usage, les indices qu’il relève sont trop ténus pour forcer l’assentiment et dirimer à jamais la controverse. Après lui, j’ai tenu à signaler hs pins caractéristiques de ces indices. Malgré tout, on demeure frappé du peu de place que tient, dans la prédication de Jean, tant à Constantinoplejqu’à Antioche, la pénitence sacramentelle ; et il semble qu’au lieu de vouloir tirer à soi des textes difficiles il est plus sage de conclure avec Pel tu ; Quanquam milita sunt « sanctis Pairibus, præsertimque a Chrysoslomo in homiliis aspersa, qua, si verttatis regulam accommodare ruinais, boni sensus inania videbuntur : qulppe deelamatorio illo more >i<l ùnperitam jerc mullitudinem, exaggerandi causa, et subito quodam impeiu dicendi ac calore profusa feruntur plerumque licenttus. Unde ea altorum comparaliont locorum rcl conciliorum / olius ac Patrum temperanda, et in yi/rum verilatis revocanda suni. Dia-Iriba de pienilentiir vetere disciplina. Ç IV ; P(, .. t XU1, col. 1036.

8° L’eschatologie de Jean ne donne pas lieu à grandes remarques, car elle est conforme à celle de toute l’école antiochienne, et a son point de départ dans l’interprétation littérale de l’Écriture. Les âmes des justes entreront au ciel immédiatement après leur mort, Hom. de bealo Philog., vi, 1, t. xlvhi, col. 749 : leur sort sera la félicité éternelle et la possession de Dieu. Toutefois les saints ne voient Dieu qu’autant qu’il leur est possible. Ibid., col. 750. Mais ils ne contemplent pas l’essence divine : * Ni les prophètes, dit-il, ni les anges et les archanges n’ont vu et ne voient ce qui est proprement Dieu : αὐτο ὅπερ ἐστὶν ὁ θεὸς οὐ μόνον προφῆται ἀλλ' οὔτε ἄγγελοι εἶδον οὔτε ἀρχάγγελοι. Le Fils et le Saint-Esprit seuls le voient, car la nature créée tout entière, comment pourrait-elle voir l’incréé ? Hom. xv in Joan., 1, 2. t. nx. col. 98 ; in Isa., cap. vi, 1, t. lvi, col. 68.

Quant aux méchants, ils sont condamnés au leu de l’enfer, et Jean se plaît à en décrire les tortures, selon les données fournies par l’Écriture. Ad Theodor. laps., i, 9, 10, t. xlvii, col. 289 sq. ; Hom. i in Ep. ad Hebr., 4, t. lxiii, col. 18 ; Expos, in Psalm. -3TZ.LA’. G. t. lv, col. 249. Ces peines seront éternelles : ni le temps, ni l’amitié, ni l’espérance, ni l’attente de la mort, ni même la vue des infortunés punis comme eux n’adouciront les châtiments des damner, Ad Theodor. laps., i, 9, 10, t.XLVii, col. 289 sq. ; /f om.v, inEp. Il ad Thessal., 1, t. Lxii, col. 479. Au plus, Jean admet-il que l’aumône et les prières des vivants peuvent apporter quelque soulagement aux âmes de ceux qui sontmorts sans baptême ou que Dieu a condamnés. Hom. ni, in Ep. ad l’hilipp., 4, t. lxii, col. 203 : Hom. xxi, in Acl. Ap., 4, t. lx. col. 169. C’est la dernière trace d’origénisme que l’on puisse encore relever chez lui et c’est à peine si l’on peut ici parler d’origénisme.

IV. Le prédicateur et le moraliste. — Jean est avant tout un prédicateur. Ses rares traités remontent à peu près tous à l’époque antérieure à son ordination sacerdotale ; les seules lettres que nous axons conservées) de lui appartiennent à la période de son exil. Entre temps il se contente de prêcher ; il est chez lui dans la chaire, ou plus exactement’à l’ambon, au pupitre du lecteur, car c’est de là qu’il parle le plus volontiers pour être en contact plus immédiat avec ses auditeurs. À sa fréquentation de l’école de Libanais, il doit sans doute’a' pureté si souvent remarquée de sa langue : il n’y a peut-être ! pas un Père de l’Église grecque qui écrive ou qui parle de façon aussi élégante, qui soit aussi fidèle aux plus pures traditions de l’alticisme. Déjà saint Isidore de Péluse, Epist., i, 2, célébrait son style ; et un aussi bon juge que M. de Willamowitz-Môllendoriï a pu récemment écrire que tous les Hellènes de son siècle ne sont que des barbares auprès de ce chrétien de Syrie dont le style mérite d’être compare à celui de Démos thène. Dans Hinneterg, lJie Kultur <lcr Gegenwart, Berlin, 1905, p. 212. Pour le leste Jean n’emprunte rien à la rhétorique païenne : si ses premières homélies sont encore un peu trop lleuries. tout de suite il échappe à la tyrannie des tropes et des figures pour laisser parler son âme.

On ne peut guère lui comparer, comme prédicateur populaire que saint Augustin. Celui-ci aussi, son grand contemporain de l’Occident, est le docteur de son peuple, parce qu’il commente avec amour les livres de l’Écriture. Mais la manière de ces deux grands orateurs est toute différente. Au breviloquium d’Augustin s’oppose la μαϰρολογία de Chrysostome : un quart d’heure suffit à l’un, tandis que l’autre a parfois besoin de deux heures ; celui-là enseigne et s’adresse à l’intelligence, celui-ci exhorte et parle à la volonté et au cœur. Augustin est un théoricien. Chrysostome un homme d’action : aussi se laisse-t-il davantage entraî-