nistration des choses saintes ordonnées à produire la grâce, de l’autre, la proposition authentique, avec définitions à l’appui, des vérités révélées. Dans le premier cas, nous avons le pouvoir d’ordre qui est rappelé par ces paroles du Christ au collège apostolique : Baptizantes eos in nomine Palris et Filii, et Spiritus Sancli, Matth., xxviii, 19, Hoc jacite in meam commemoralionem, I Cor., xi, 25. Le second cas nous donne le pouvoir de magistère que Notre-Seigneur confère à ses apôtres peu de temps avant de remonter au ciel : Prsedicate evangelium omni creaturæ, Marc, xvi, 15 ; Eunte’s docete omnes génies… docenles eos servare omnia quiecumque mandavi vobis. Matth., xxviii, 19, 20.
Il y a donc dans l’Église un triple pouvoir : le pouvoir d’ordre, le pouvoir de magistère et le pouvoir de juridiction, ce dernier n’étant que le pouvoir de régir impérativement les actes des sujets. « Si l’on s’en tient, dit Sanguinetti, à l’étymologie du mot, juridiction, de jus dicere, dire le droit, signifie le pouvoir de porter une loi, et par loi on entend tout ce qui a trait au gouvernement ou à la direction d’un autre. Mais comme une loi ne peut être portée que par celui qui jouit d’une autorité légitime, il s’ensuit que le pouvoir de juridiction doit être un pouvoir public ou social. D’où cette définition du pouvoir de juridiction donnée par un grand nombre d’auteurs : Poteslas publica circa aliorum regimen seu gubernationem. » Juris ecclesiastici institutiones, Rome, 1890, p. 214.
Nous avons parlé un peu plus haut du pouvoir de magistère. Ce pouvoir, considéré d’une façon concrète, en tant qu’inséparablement uni au pouvoir de commander l’obéissance de la foi, ne se distingue pas adéquatement du pouvoir de juridiction, et c’est pourquoi l’usage commun ne reconnaît que ces deux grandes divisions du pouvoir ecclésiastique, à savoir, le pouvoir d’ordre et le pouvoir de juridiction. Potestas magisterii, si spectetur in concreto prout inseparabililer annexum habet jus imperandi subditis obedientiam fidei, ab ipsa potestate jurisdiclionis adxquate non distinguitur et hac de causa usu salis communi recepta est bimembris divisio potestatis ecclesiaslicie in potestatem ordinis et potestatem jurisdiclionis… Billot, De Ecclesia Christi, Rome, 1903, p. 343.
Dans son traité des Principes du Droit canonique, Bouix montre la différence qui existe entre la conception du pouvoir de juridiction dans le droit civil romain et dans le droit ecclésiastique. Ici un des objets est sensiblement plus étendu : il inclut le magistère et comprend tout ce qui n’est pas du pouvoir d’ordre. Bouix détaille cet objet avec autant de justesse que de soin. « Le mot juridiction vient de jus dicere. Dans le droit romain ce mot était pris dans un sens tout à fait strict. Les anciens jurisconsultes en effet, distinguaient dans l’État un quadruple pouvoir : la puissance suprême (majestas), le pouvoir de. gouvernement (imperium), la juridiction et la compétence (notio). Ils appelaient majestas le droit suprême, source de tous les autres. Cette majestas se manifestait principalement dans le fait de porter des lois pour le bien commun ; aux temps de la République ce droit suprême résidait dans le peuple romain ; il passa ensuite aux empereurs. L’imperium désignait le pouvoir de réprimer les coupables ; c’est ce qu’on appelle aussi le droit de glaive, jus gladii. Sous le nom de Juridiction, on désignait le pouvoir de connaître des procès, de les juger, de faire exécuter les sentences et de désigner le juge. Ce pouvoir est toujours demeuré chez les magistrats. Mais comme les magistrats n’auraient pu faire exécuter leurs arrêts s’ils n’eussent disposé également de quelque pouvoir coercitif, un certain droit de coercition leur était accordé, mais peu impor tant. Aussi disait-on que leur juridiction était mélangé d’imperium, qu’elle était, un imperium mixtum. Enfin sous le nom de compétence (notio) on entendait le pouvoir de connaître des causes et de les juger, mais non de faire exécuter les arrêts et de désigner le juge. Les juges investis de ce pouvoir correspondaient donc, à peu près, chez les Romains, à ce que sont chez nous les arbitres. » « En droit ecclésiastique le mot de juridiction a un sens différent et s’étend à un plus grand nombre d’objets. On rapporte en effet à la juridiction : le pouvoir de définir le dogme et d’obliger les fidèles à donner aux définitions un ferme assentiment ; le pouvoir de faire des lois relatives à la discipline et aux mœurs ; le pouvoir de connaître des causes ecclésiastiques et de les juger ; celui de contraindre les coupables par des peines telles que la déposition, la suspense, l’anathôme ; le droit de réunir les conciles et de les présider ; le droit de reprendre les inférieurs, de les contraindre à observer les commandements et à remplir convenablement leurs fonctions : le droit d’ériger des bénéfices et d’en désigner les titulaires, de disposer des biens ecclésiastiques, de les aliéner, de faire à leurs égards toute espèce de contrat. Bien plus quelques auteurs comprennent d’une manière tout à fait générale sous le nom de juridiction, tout pouvoir ecclésiastique qui n’est pas le pouvoir d’ordre, c’est-à-dire le pouvoir attaché, d’institution divine, au caractère reçu par l’ordination. En ce sens la juridiction impliquerait le magistère, ou pouvoir d’enseigner. » D. Bouix, Tractatus de principiis juris canonici, Paris, 1862, p. 544 et 545.
A raison de la manière dont elle s’exerce, la juridiction se divise en juridiction volontaire et en juridiction contenlieuse, ou plutôt, selon Bouix, en juridiction judiciaire et en juridiction extra-judiciaire. Tout ce que l’évêque est tenu de régler avec l’appareil du jugement ou sous la forme contentieuse, se rapporte à la juridiction judiciaire ou contentieuse… Tout ce qu’il a le droit de statuer en dehors de l’appareil judiciaire appartient à la juridiction extrajudiciaire désignée par les canonistes sous le nom de juridiction volontaire correspondant à peu près à ce que l’on appelle, au civil, la juridiction administra 1 ive. Bouix, op. cit., p. 565.
II. Existence de ce pouvoir dans l’Éguse. — Jésus-Christ a donné à son Église une juridiction libre et indépendante de toute autorité humaine, tant au for externe qu’au for interne. Cette juridiction comprend, mais pour une fin plus élevée, le triple pouvoir qui appartient à toute société parfaite : le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire et le pouvoir coercitif. « Je te donnerai les clefs du royaume des cieux, déclare solennellement Jésus à l’apôtre saint Pierre en une circonstance célèbre ; tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aux cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aux cieux. » Matth., xvi, 19.
Peu de temps après il s’adressait dans le même sens aux autres apôtres : « En vérité je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié aux cieux, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié aux cieux. » Matth., xviii, 18.
Que peuvent signifier ces clefs du royaume des cieux ? Elles signifient simplement le pouvoir de juridiction ou l’autorité de commandement, ainsi qu’il ressort de l’enseignement de la sainte Écriture où cette métaphore est d’un usage constant, et aussi de la coutume immémoriale qui consiste à donner les clefs en signe de soumission ou comme marque d’investiture d’un emploi. Voir pour l’emploi du mot clef en ce sens, Isaïe, xxii, 20-23 et le commentaire du P. Knalenbauer ad hune locum. In Isaiam, 1. 1, ]>. 133.
C’est donc un vrai pouvoir de juridiction que Notre-Seigneur donne à son Église. Ce pouvoir est universel.