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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/580

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LANFRANC — LANGAGE (ORIGINE DU


expliqué sa pensée. De là vient qu’il paraît obscur aux profanes, et qu’il est même pour certains une source d’erreurs. D’ailleurs, si, par impossible, il s’était trompé sur un si grand mystère, ce serait le moment de nous rappler la parole de l’apôtre : « Quand même un ange viendrait du ciel vous donner un enseignement autre que le mien, dites-lui anathème. » De corp. et sang. Domini, c. xxiv, ibid., col. 1415 A.

On a relevé plusieurs fois déjà le manque d’originalité du traité de Lanfranc. Voir H. Bôhmer, dans Protest. Rcalencgclopâdie, t. xi, col. 255 ; Schnitzer, Berenqar von Tours, p. 349. La constatation est juste. De fait, Lanfranc ne s’élève pas beaucoup au-dessus de l’enseignement de Paschase, d’Adelmann ou de Durand. Sa théologie est parfois plus archaïque que celle de son élève Guitmond : tandis que celui-ci professe nettement la présence du Christ tout entier sous chaque partie de l’hostie, Lanfranc semble n’avoir aucune idée de la concomitance et il paraît affirmer que sous les espèces du pain, il n’y a que le corps seul, et sous les espèces du viii, que le sang.

Il n’est pas le premier à affirmer nettement que les indignes reçoivent réellement le corps du Christ ; les théologiens du ixe siècle l’avaient indiqué avec précision avant lui. Tout au plus pourrait-on donner comme un progrès la distinction très pieuse qu’il fait entre la communion corporelle et la communion spirituelle.

En fait son ambition n’est point de dire des choses nouvelles sur l’eucharistie ; c’est de dénoncer l’erreur, de la critiquer et de lui opposer la foi catholique avec les autorités qui la fondent. Il a compris la portée de l’erreur de Bérenger : ce n’est pas sans raison, qu’il le dénonce non seulement comme le négateur de la conversion substantielle dans l’eucharistie, mais comme le destructeur de la présence réelle. Le texte de l’hérésiarque qu’il cite au c. x de son ouvrage suffirait déjà à prouver la légitimité de son interprétation. De nombreux textes du De sacra Csena viennent confirmer cette interprétation : édit. Vischer, p. 84, 86, 89. Si ante tempora restitutionis…, Christi carnem, non dicam oculis corporis videri sed in terris alicubi esse consliluis, contra prophetiam David, contra upostolum Petrum, ac contra scripturas authenticas omnes facis, dit expressément Bérenger, p. 157, voir aussi p. 197 à 201, 244, etc.

Lanfranc ne s’est donc point laissé tromper par les expressions obscures du novateur ; il a bien vu que Bérenger, tout en gardant les anciennes expressions du dogme, les vidait de leur contenu. Son interprétation de la pensée de Bérenger sur la présence réelle est juste : l’analyse attentive du De sacra Csena montre que Bérenger lui-même n’a pas contredit à cette interprétation. En face de l’hérésie ainsi comprise, le futur archevêque de Cantorbéry a été le témoin qui redit avec précision la foi du passé beaucoup plus que le théologien qui scrute la vérité reçue et essais d’en donner une intelligence plus complète : de là la portée et les limites de sa doctrine eucharistique.

I. Sources.

1° Œuvres de Lanfranc. — Elles ont été réunies pour la première fois par L. d’Achery, en 1648, d’où elles sont passées dans la Biblioth. Patrum, t. xviii, p. 617-833 ; en 1844, J.-A. Giles en donne une nouvelle édition dans la collection Patres Ecclesise anglicans :, 2 vol., Oxford et Paris ; P. L., t. cl, col. 1-782, reproduit l’édition de d’Achery avec quelques compléments tirés de Giles ; les épîtres ne sont rtialheureusement pas données toutes intégralement ; dans le texte, nous avons cité la numérotation de d’Achery, et celle de Giles avec la pagination. — 2° Biographies. — Celle qui a été rédigée par Milon est dans P. L., t. cl, col. 29-58 ; voir aussi les notices importantes consacrées à Lanfranc par les anciens historiens : Eadmer, Historia novorum, t. I, P. L., t. eux, col. 352-362, et mieux

dans l’édition des Rolls Séries, t. lxxxi, p. 10-27 ; Guillaume de Malmesbury, Gesta pontificum anglorum, P.L., t. clxxix, col. 1458-1479, et Rolls Séries, t. lii, p. 37-73 ; Sigebert de Gembloux.De script, ecclesiast., 155, P. L., t. clx, col. 582 ; Matthieu Paris, Historia Anglorum, Rolls Séries, t. xuv, p. 1-37.

II. Travaux.

Outre les notes abondantes de d’Achery reproduites dans P. L., loc. cit., voir : Mabillon, Acta sanctorum O. S. B., sæc. vi, pars 2a, p. 628-632 ; Histoire littéraire de la France, t. viii, 1747, p. 260-305 ; A. Charma, Lanfranc, Paris, 1849 ; J. de Crozals, Lanfranc, Paris, 1877 ; A. du Boys, Lanfranc et Guillaume le Conguérant, dans Revue des gueslions historiques, 1881, t. xxx, p. 329382, art. repris dans l’Église et l’État en Angleterre depuis la conquête des Normands, Paris, 1887. — Voir aussi les historiens de l’Angleterre au chapitre de la conquête normande.

— H. Buhmer a spécialement étudié l’activité de Lan franc : Kirche und Slaat in England und in der Normandie im. Il und 12 Jahrhundert, Leipzig, 1902 ; et Die Falschungen Erzbischof Lanfranks von Canterbunj, dans la collection Studien zur Geschiclite der Théologie und der Kirche de Bonvvetsch et Seeberg, t. viii, fasc. 1, Leipzig, 1902 ; voir aussi art. Lanfrank dans la Prolest. Realencyclopâdie, t. xi, 1902, p. 243-255. Le point de vue anglais est représenté par W. Hunt dans l’art, du Diclionary o/ national biography, t. xxxii, p. 83-89 où l’on trouvera la bibliographie anglaise.

Pour la controverse bérengarienne, voir ci-dessus, art. Bérenger, t. ii, col. 740-742, et ajouter : J. Turmel, Histoire de la théologie positive depuis l’origine jusqu’au concile de Trente, Paris, 1904, p. 432-441 ; Heurtevent, Durand de Troarn, Paris, 1921.

E. Amann et A. Gaudel.

    1. LANGAGE (ORIGINE DU)##


LANGAGE (ORIGINE DU). — I. Aspect théologique de la question. II. Solutions.

I. Aspect théologique.

La question de l’origine du langage est théologique : 1° Dans sa connexion avec le traditionalisme. — Dans le besoin personnel et social qu’ont les hommes du langage pour concevoir, exprime - et communiquer leurs pensées, les traditionalistes voient une preuve que nos connaissances s’appuient nécessairement sur la tradition ou la révélation primitive. Voir Bonald, t. ii, col. 959 ; Franck, Dictionnaire des sciences philosophiques, Paris, 1875, art. Signes, p. 1610 sq. De Bonald avait appliqué cette nécessité du langage à toute espèce de vérité. Le P. Ventura la restreignit aux connaissances supra-sensibles, et prétendit l’appuyer sur la doctrine de saint Thomas, Sum. theol, I », ’q. lxxxiv, a. 7. Voir La tradition et les sémipélagicns de la philosophie, tr. fr., Paris, 1856, c. ni, §21, p. 127. M. Vacant a bien montré le vice radical du système : « Les mots n’éveillent d’autres idées que celles que l’esprit se forme à lui-même… Ce ne sont donc pas les mots qui fournissent la matière des idées ; ils invitent simplement l’esprit à concevoir ou à se rappeler ce qu’ils signifient. » Études théologiques…, t. i, n. 321. Saint Thomas reconnaît d’ailleurs l’antériorité absolue de la pensée sur le mot. De veritale, q. iv, a. 1. Voir aussi Remer, Summa prælectionum philosophiæ scholasticæ, Prato, 1895, t. ii, p. 231-232, et surtout Bossuet, Logique, t. I, c. ni.

En raison de certaines affirmations de l’Écriture.


L’Écriture sainte ne professe aucun enseignement touchant l’origine du langage. Quelques indications cependant sembleraient marquer qu’à l’origine Dieu a communiqué à l’homme un langage tout fait : 1. Adam donne des noms aux animaux et exprime ses concepts sur quantité de choses diverses — - 2. Au moment de la construction de la tour de Babel, il n’y a encore « qu’une seule langue et un seul langage ». Gen., xi, 1. Comment expliquer cette unité si le langage est le produit naturel des facultés humaines. — 3. Enfin, la confusion miraculeuse des langues, Gen., xi, . 7-9, indique que l’origine des diverses langues primitives est préternaturelle.

II. Solutions.

En général, Pères et théologiens sont assez sobres sur la question de l’origine du langage : beaucoup même la passent sous silence. Cette