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LAURENS (LOUIS DU) — LAURENT D’AOSTE

l’Église ; elle renouvelle trente hérésies condamnées déjà par l’Église ancienne ; elle est étrangère à toute vraie religion. Enfin du Laurens a laissé quelques ouvrages manuscrits, outre la Dispute touchant le mystère de l’eucharistie, le P. Louis Batterel cite : un Traité des trois devoirs de l’homme envers Dieu, envers le prochain et envers soi-même et une Harangue funèbre pour le maréchal de Toyras, imprimée à la fin de l’Histoire du maréchal de Toyras, par Baudier, in-fol., Paris, 1644.

Michaud, Biographie universelle, art. Dulaurens, t. xi, p. 491 ; Hœfer, Nouvelle biographie générale, t. xv, col. 126-127 ; Ingold et Bonnardet, Mémoires domestiques pour servir à l’histoire de l’Oratoire, t. ii, Les Pères de l’Oratoire recommandables par la piété ou par les lettres qui ont vécu sous les PP. de Condren et Bourgoing, par le P. Louis Batterel, in-8°, Paris, 1903, p. 515-526.

J. Carreyre.

1. LAURENT JUSTINIEN (Saint), premier patriarche de Venise, écrivain ascétique et mystique (1381-1456). — Il naquit à Venise, de l’illustre famille des Giustiniani, le 1er juillet 1381. Très pieusement élevé par sa mère, restée veuve de bonne heure, il se décida, à l’âge de dix-neuf ans, à renoncer au monde et aux honneurs qu’il lui réservait, et entra dans la congrégation des chanoines réguliers de Saint-Augustin de Saint-Georges in Alga. Il ne tarda pas à s’y faire remarquer par ses hautes vertus ; aussi, dès 1413, le voit-on élire à la charge de prieur général de la congrégation, dignité qui lui fut renouvelée en 1421. Les efforts qu’il fit pour assurer l’observance régulière dans cette famille religieuse et pour en assurer la diffusion lui ont valu d’en être considéré comme le deuxième fondateur. Le pape Eugène IV, qui connaissait le mérite de Laurent (il avait fait lui-même partie du couvent de Saint-Georges), nomma le saint religieux, le 12 mai 1433, évêque de Castello. Castello, une petite île tout près de Venise, était pour lors la résidence épiscopale et le titre de l’évêché qui va devenir le siège patriarcal de Venise. Le 8 octobre 1451, en effet, le pape Nicolas V transférait dans la ville des doges le siège de Castello à qui il donnait le titre patriarcal retiré au siège de Grado désormais supprimé. Voir les références dans C. Eubel, Hierarchia catholica medii ævi, t. ii, p. 134, 177, 290. Le nouvel évêque déploya le plus grand zèle dans l’administration de son important diocèse et se fit aussi remarquer tant par son incroyable libéralité envers les malheureux que par la pratique de toutes les vertus. Il était mort le 8 janvier 1456, et dès 1472 on commençait son procès de béatification ; diverses circonstances vinrent malheureusement l’interrompre, en sorte qu’en 1524 Clément VII, sans refaire le procès dont les pièces avaient disparu dans un incendie, autorisa le culte de Laurent à Venise et sur tout le territoire de la Sérénissime République. A la demande de cette dernière, le procès fut repris en 1613 sous Paul V, mais il traîna en longueur ; les œuvres du pieux évêque furent approuvées en 1647, enfin la canonisation solennelle fut prononcée le 16 octobre 1690 par Alexandre VIII. Innocent XII fixa la fête au 5 septembre.

Saint Laurent Justinien a laissé une œuvre de théologie ascétique et mystique considérable (2 vol. in-fol. dans l’édit. de 1751), qui le classe parmi les grands écrivains spirituels de la fin du Moyen Age, à côté de Gerson et de Pierre d’Ailly. L’abbé Trithème dait déjà treize traités dont il donne l’énumération et une quarantaine de sermons. On connaît au moins deux de ces traités imprimés antérieurement à 1500 : une édition Italienne de la Dottrina della vitta monastica publiée à Venise en 1494, Hain, Repertorium, n. 9477, Copinger, n. 3384, et une édition latine du De contemptu mundi, Copinger, n. 3383, s. l., s. d. Les œuvres complètes furent rassemblées beaucoup plus tard, édit. de Bâle, 1560 ; Lyon, 1568 ; Venise, 1606 ; Cologne, 1616 ; Lyon, 1628. La plus accessible est celle de Venise, 1751, due aux soins du bénédictin Nicolas Antoine Giustiniani. On y a groupé les œuvres suivantes : 1° Lignum vitæ, suite de considérations rapides sur les principales vertus chrétiennes ; crainte de Dieu, foi, continence, prudence, justice, charité, patience, obéissance, espérance, persévérance, pauvreté, sobriété, humilité, prière. — 2° De disciplina et perfectione monasticæ conversationis, dont le titre indique suffisamment l’objet ; on a vu ci-dessus qu’il en a paru de bonne heure une traduction italienne. — 3° De spirituali et casto connubio Verbi et animæ, plus proprement mystique, et célébrant l’union de l’âme à Dieu dans la contemplation. — 4° Fasciculus amoris, véritable traité de l’amour de Dieu. — 5° De triumphali Christi agone : les luttes que le Christ eut à soutenir sont un encouragement pour l’âme chrétienne dans les difficultés intérieures et extérieures qu’elle rencontre. — 6° De interiori conflictu traite un sujet sensiblement analogue. — 7° De compunctione et complanctu christianæ perfectionis, court opuscule où est définie la componction. — 8° De vita solitaria, sur les avantages de la solitude extérieure et la nécessité de la solitude intérieure. — 9° De contemptu mundi. — 10° De spirituali interitu animæ : de tous les biens de ce monde, l’âme est le seul qui compte ; sa mort par le péché est le plus grand des maux. — 11° De regimine prælatorum, plutôt œuvre pastorale que mystique. — 12° De obedientia. — 13° De humilitate. — 14° De perfectionis gradibus. — 15° De incendio divini amoris. — Entre les n. 7 et 8, l’éditeur a intercalé une quarantaine de sermons sur les principales fêtes de l’année. En tête du t. ii figurent aussi quelques lettres du saint.

La doctrine ascétique et mystique de Laurent Justinien ne semble rien présenter de particulièrement saillant. Il y aurait pourtant intérêt à l’étudier, ce que nous ne pensons pas qui ait été fait, pour voir à quel courant de pensée elle peut se rattacher. La manière de l’auteur est abondante et fleurie, très éloignée du schémastisme scolastique que l’on trouve souvent chez les auteurs de l’époque, la langue n’est pas sans grâce, et le latin de Laurent est, en général, très supérieur à celui de ses contemporains.

Il y a une vie presque contemporaine de Laurent Justinien, rédigée par son neveu Bernard Justinien (Giustiniani) ; elle est reproduite dans les diverses éditions des œuvres ci-dessus mentionnées et dans les Acta sanctorum, janvier, t. i, p. 551 sq. ; Daniel Rosa rassembla aussi les divers témoignages sur le saint : Summorum pontificum, illustrium virorum de B. Laurentii vita, sanctitate ac miraculis testimoniorum centuria, Venise, 1614, et 1630 ; ces deux sources ont été utilisées dans plusieurs vies du saint parues au xviie siècle sous les noms de F. Malipiero, Venise, 1638 ; S. Pictralata, Rome, 1647 ; Maffei, Padoue, 1691, réédit. de Venise, 1819 et de Lorette, 1858, etc.

Notices littéraires dans Trithème, De scriptoribus ecclesiasticis, n. 721 ; et dans Fabricius, Biblioth. lat. mediæ et infimæ ætatis, édit. de Hambourg 1735, t. iv, p. 616-617, où l’on trouvera aussi une notice sur Bernard Justinien, neveu du patriarche, p. 614-615.

E. Amann.

2. LAURENT D’AOSTE, Pierre-Thomas Lachenal, frère mineur capucin, né le 15 août 1809, dut sa vocation religieuse à une étourderie de collégien. Élève du collège de sa ville natale, il avait été, pour un manquement à la discipline, envoyé faire une retraite au couvent des capucins de Châtillon. Peu après il recevait l’habit au noviciat d’Yenne, le 7 juillet 1828. Il parcourut toutes les étapes de la vie religieuse, passa par toutes les marges de sa province de Savoie et fut envoyé pour diriger celle de France qui renaissait alors. Sous sa prudente et ferme direction