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    1. LIBÉRALISME CATHOLIQUE##


LIBÉRALISME CATHOLIQUE. ORIGINE

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devait provoquer une triple opposition : 1. opposition des partisans du droit plus ou moins absolu de l’État ou du gouvernement, lesquels jugeront exorbitant d’accorder à l’Église l’indépendance même logiquement nécessaire à l’exercice de sa mission ; 2. opposition des libéraux politiques ou sociaux plus ou moins libres-penseurs, qui repoussent le libéralisme catholique, parce que catholique ; 3. opposition de certains catholiques qui le repoussent parce que libéral, c’est-à-dire, acceptant les principes de 1789 et ne se réclamant que du droit commun.

Il faut s’arrêter à celle-ci qui créera au libéralisme catholique ses plus sérieuses difficultés et expliquera son histoire. Ne se réclamer que du droil commun, disent ces opposants, c est sacrifier les droits primordiaux de l’Église et de son divin fondateur. Puis chercher la base des libertés religieuses dans les libertés politiques c’est renverser l’ordre des choses. D’autre part, il est impossible de concilier les principes de 89 et les principes catholiques : <… l’entreprise est de concilier le mal et le bien ; elle dépasse donc les forces humaines. » L. Veuiilot. op. cit, p. 139. Si l’Église reconnaît, par exemple, avec ses grands docteurs, que le peuple est la source immédiate du pouvoir, peut-elle avouer qu’il en est, et non Dieu, la source première et qu’ainsi, ni les gouvernements ne relèvent de Dieu, ni les lois n’ont à tenir compte de ses droits ? Dépositaire et gardienne de ces droits sacres, l’Église peut-elle accepter, comme bases du droit public, la sécularisation de l’État, la souveraineté absolue de la loi qui peut lui mesurer et même lui dénier, à elle, société parfaite de par la volonté de son divin fondateur, ces droits essentiels de se gouverner, de posséder, d’enseigner, d’exercer sans entraves sa mission ? Le prétendre, c’est commettre cette grave erreur du naturalisme, si souvent condamnée. L’Église a conquis, dès son origine, la liberté de la conscience, mais ce fut en revendiquant hautement les droil s de la vérité. Ces droits sont exclusifs comme étant de Dieu ; ils ne se concilient donc, en aucune manière, avec la liberté absolue pour l’homme de la pensée, de la parole et de la presse, qui ne distingue pas entre l’erreur et la vérité ou leur reconnaît les mêmes droits, ni avec l’égalité de tous les cultes. Vouloir qu’ils se concilient, c’est de Vindifférentisme. Cf. dom Guéranger, Essai sur le naturalisme contemporain, in-8°, Paris, 1868 ; Jules Morcl, Somme contre le catholicisme libéral, 2 in-8°, Paris, 1877 : Mgr Pie, Œuvres, 9 in-8°. Paris, 1879, particulièrement la Troisième instruction synodale sur les principales erreurs du temps présent, t. v ; dom Besse, Le catholicisme libéral, in-16, Lille-Paris, s. d. (1911).

Les libéraux catholiques n’ont cessé de répondre qu’ils ont une volonté « l’orthodoxie égale A celle des plus intransigeants et l’unique souci des intérêts de l’Église ; la conciliation qu’ils ont cherchée est non pas théorique et abstraite mais pratique ; ce n’est pas une conciliation de droit mais de fait ; si leurs adversaires les condamnent c’est qu’ils envisagent la thèse : eux. Ils.’sonl toujours placés dans [’hypothèse. Ils parlent d’un principe pratique et d’un fait qu’ils jugent Indéniable. Ce p-incipe est quc l’Église ni’saurait rire entendue dans le milieu concrel nu elle doit accomplir sa divine mission, sans se mettre en harmonie avec lui. même, avec le sentiment que la religion de.Icsus-Christ n’est pas seulement religion d’autorité mais fie charité, n’a-t-elle pas, sans aucune altération de doctrine, depuis ses origines changé d’attitude selon les milieux ? Cf. Thèse et hypothite, dans llrt<nr du clrn/é français, 1° r janvier 1914, p 110-112. Dans les |> ; iu protestants, ou elle est minorité, le programme du libéralisme catholique n’es ! il pas le programme de ses revendications ^ Et pourquoi, dans les nations dites catholiques, n’adapterait-elle pas son action aux exigences des situations ? Or, c’est un fait évident : les libertés modernes sont entrées dans les mœurs à ce point qu’aucun gouvernement ne saurait négliger d’en tenir compte ; le monde est aussi moins chrétien, et dans les pays catholiques l’Église est en face de pouvoirs étrangers à la foi, en contact avec des incrédules, soit qu’ils n’aient jamais eu la foi, soit qu’ils l’aient abandonnée. Le libéralisme catholique répond à cette situation nouvelle dans l’histoire de l’Église. Cf. Mgr Parisis, Cas de conscience à propos des libertés exercées ou réclamées par les catholiques, édit. de 1847 ; A. Leroy-Beaulieu, Les catholiques libéraux. L’Église et le libéralisme de 1830 à nos jours, in-12, Paris, 1885 ; Mgr Dupanloup, La convention du 15 septembre el l’encyclique du 8 décembre 1865, Nouvelles œuvres choisies, 7 in-8°. Paris, 1873-1875, t. i, etc.

Ils firent valoir aussi que les fameux principes, dits de 89. ne sont pour la plupart que des principes chrétiens plus ou moins altérés et dont la Révolution a trop souvent tiré d’autres conséquences que les conséquences logiques. Une conciliation théorique ne serait donc pas impossible entre ces principes et la doctrine révélée. Cf. Les principes de 89 et la doctrine révélée, par un professeur de grand séminaire, in-8°, Paris, 18C1 (mis à l’Index ; une nouvelle édition, corrigée, parut en 1863, avec le nom de l’auteur, l’abbé Godard, professeur au grand séminaire de Langres ; elle reçut de Rome une approbation) ; Leroy-Beaulieu, op. cit. ; Brunetière, Les raisons actuelles de croire, in-16, Paris, 1907. Un juriste, M. Berthélemy, émet une opinion semblable dans son Traité élémentaire de droit administratif, 8e édit., 191 6. p. 232 : « Aucune incompatibilité n’existe entre le dogme catholique et les idées républicaines. Le contraire serait plus près de la vérité. » Et il ajoute : « L’on a pu constater plus d’un air de famille entre l’Évangile et la Déclaration des droits de l’homme. » D’ailleurs, précisent les libéraux, il faut bien se garder de confondre parmi les interprétations et applications de la vérité révélée, celles qui sont immuables, éternelles, comme la vérité elle-même du fond de laquelle elles découlent et celles qu’inspirent les circonstances historiques ou philosophiques ; cellesci, l’Église vivante les abandonne selon le mouvement delavie. Cf. Études, 1911, t.i, p. 433, R. L.Vermeersch, L’Église et le droit de glaive, et t. iv, p. 857, Imbarl de la Tour, L’emploi de la force au service de la vraie religion. Réponse auxÉtudes, de la Brière, Réplique deM.de la Brièrr.

Que ces explications soient acceptées, et toutes difficultés ne cessent pas, à quelque époque que ce soit, pour les catholiques libéraux. Il leur faut, chose parfois difficile, ne jamais oublier et plus encore ne jamais laisser oublier la thèse, et ne jamais sembler donner à l’hypothèse la valeur absolue et les droits de celle-là. Puis, autres problèmes également délicats : les dispositions des esprits, les mœurs, les circonstances jusli flent-elles les accommodements proposés el l’abandon plus ou moins complet, par l’Eglise, de sis droits, de sa situation et de son altitude traditionnelles ? Le moment et la mesure de ces accommodements et de cet abandon sont-ils bien choisis ? D( questions, comme de la question fondamentale : le libéralisme catholique est-il orthodoxe ? Rome seule fut juge. Mais ainsi s’expliquent les discussions qui accueillirent la théorie à ses débuts, la violence des attaques qui poursuivirent ses défenseurs et les viclssit udes de son histoire.


II. Origine.

L’on étudie surtout le libéralisme catholique en France, comme un mouvement qu’y créa Lamenais et qu’y propagea l’Avenir. C’est l’Avenir en effet qui, s’adressant aux catholiques de France.créa le mot "libéraux catholiques, catholique ! libéraux" N° 116, 3 janvier 1831, Mission du peuple