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    1. LIBÉRALISME CATHOLIQUE##


LIBÉRALISME CATHOLIQUE. ORIGINE

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français, c’est-à-dire, des catholiques de France. Cf. articles de Y Avenir, Louvain, 1831, t. ii, p. 343. C’est en France, aussi avec Lamennais et Y Avenir, que le libéralisme catholique apparaît comme une doctrine consistante, voulue pour elle-même, qu’il se maintient et qu’il a toujours ses chefs les plus représentatifs. Mais avant 1830, sans parler des catholiques des États-Unis, les catholiques de Belgique et d’Irlande appuyaient déjà leurs revendications religieuses sur les principes du libéralisme et, dans la suite, le mouvement devait s’étendre à d’autres pays. Peut-être même, enfin, les circonstances historiques eussent-elles rendu inévitables en France, sans Lamennais, l’éclosion de ce libéralisme.

Les causes profondes.


Elles se ramènent en somme à la formation du droit public nouveau.

1. La ruine de l’Ancien Régime.

« L’ordre établi par l’Église elle-même quand elle civilisa les barbares, dit Etienne Lamy, Les luttes entre l’Église et l’État au XIXe siècle, i, Les Causes, Revue des Deux Mondes, 15 août 1897, p. 721-722, reposait sur cette certitude que Dieu a donné aux hommes avec le christianisme les lois conformes à la nature et à la vie des sociétés. Assurer à ces lois la fidélité des peuples paraissait le devoir essentiel des gouvernements. Par ses institutions fondamentales, le régime de la famille, l’enseignement, les devoirs des classes les unes envers les autres, l’État sanctionnait les préceptes chrétiens ; par les respects et les privilèges accordés au clergé, aux moines, aux corporations pieuses, il aidait à la durée et à l’accroissement de l’influence religieuse ; par ses contraintes, il préservait contre la discussion, mère du doute, les dogmes et chaque précepte de l’Église… Jamais la crainte d’attenter par la force à la conscience ne faisait trembler le fer dans la main de l’État… L’homme ne saurait prétendre à la liberté contre Dieu : le droit n’appartenait pas à l’individu de choisir l’erreur et de la répandre ! le droit appartenait à la société de défendre ses croyances nécessaires. Où la loi humaine veut obéir à la loi divine, le pouvoir politique tend à devenir le serviteur du pouvoir religieux. Chef de l’Église, le pape se trouvait l’inspirateur, le juge, par suite le maître des rois. »

L’édifice était encore debout en 1789, mais des brèches y avaient été faites. Ces brèches furent d’abord l’œuvre des princes. A mesure que grandit leur puissance et que s’établit la religion de la royauté, ils s’affranchissent de l’Église. Non seulement ils n’admettent plus qu’elle exerce sur le temporel une autorité même indirecte et lointaine, mais ils entendent subordonner l’Église à l’État. Parfois même, ils ont l’appui du clergé national. Ainsi se constitue en France le gallicanisme, qui est toute une théorie des rapports de l’Église et de l’État et même de la constitution de l’Église, toute une législation, toute une jurisprudence, tout un esprit. Il y a des nuances : le clergé et la Sorbonne ont leur théorie gallicane ; les Parlements appliquent, imperturbablement la théorie de la suprématie du pouvoir civil, et le roi, de qui tout dépend, a sa façon personnelle de concevoir ses devoirs et ses droits à l’égard de l’Église. De là des luttes entre les deux puissances, puis des traités de paix, les concordats ; en France, le concordat de 1516. qui subsistera jusqu’à la Révolution. Ce concordat maintient l’interdépendance des deux puissances et partage entree es les avantages de l’autorité ; mais le gallicanisme est loin de disparaître ; il s’épanouit sous Louis XIV, quand le droit divin des rois est devenu un dogme. Clergé, magistrats, roi, n’ont qu’une pensée : réduire l’autorité de Rome.

On sait aussi à quelle servitude, vers la fin du xviiie siècle, Joseph II a soumis l’Église dans les États héréditaires, comment, à la même époque, « l’Église romaine, en Allemagne, se heurtait à l’opposition constante de deux doctrines, dont l’une, le joséphisme, était une doctrine d’État, dont l’autre, le f bronianisme, était une doctrine d’Église ; la première, plaidant pour les rois, la seconde pour les évêques, toutes deux contre le pape. » Goyau, L’Allemagne religieuse. Le catholicisme, 1 xoo- 1 H 4 k, . i, p. 5, et comment, à la même époque encore, le roi Très Chrétien, le roi Catholique, le, Bourbons d’Italie et le roi de Portugal expulsent les Jésuites et exigent la suppression de l’ordre. Tel est l’Ancien Régime. En même temps, les philosophes séparent de l’Église la pensée et répandent cette croyance que la raison naturelle suffit à l’homme pour conduire sa vie personnelle et sa vie sociale.

2. Les principes du droit public nouveau. —

Survint la Révolution. Héritière de cette philosophie, elle en fit entrer les principes dans le droit public. De là, les fameux principes de 1789 :

Principe de la souveraineté absolue de la nation, c’est-à-dire, de l’ensemble des citoyens et de la loi, « expression de la volonté générale ». Aucun droit n’existe, dont la volonté nationale ne soit la source dernière et la loi, la garantie suprême. Plus de droit divin, ni pour les rois qui seront « les chefs du pouvoir exécutif par la volonté nationale », ni même pour l’Église : elle ne vivra, ne possédera, n’enseignera, n’exercera sa mission que si la loi le lui permet et dans la mesure où elle le lui permettra. Ce peut être pour l’Église un régime de protection, de servitude, d’hostilité ou de liberté.

Principe, non précisément de l’athéisme de l’État (le préambule de la Déclaration des droits mentionne l’Être suprême), mais de l’indifférence et neutralité de l’État en matière de religion, et de l’égalité de tous les cultes. La Constituante refusa de proclamer le catholicisme religion d’État, et d’ajouter à la éclaration trois articles, proposés par le clergé, qui supposaient ce principe. Mais elle proclama tous les hommes » égaux en droits » : aucun citoyen ne pouvait être avantagé pour ses opinions religieuses, aucun inquiété. Dès 1789 des décrets commencent à abolir toutes les distinctions traditionnelles et légales entre catholiques, protestants et juifs. Enfin, si l’État n’accorde son appui à aucun des cultes qui se disputent les coasciences, il promet aux consciences la liberté du culte qu’elles auront choisi ou d’être incrédules : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même religieuses », dit l’article 10 de la Déclaration ; la liberté aussi de publier ces croyances ou cette incrédulité et de les répandre : liberté de la parole et de la presse. La conclusion logique de ce principe était la liberté pour l’Église dans la séparation d’avec l’État. En fait, la Révolution ne cessa d’être hostile à l’Église. Après l’avoir dépouillée, elle lui imposa d’abord, au nom de la souveraineté nationale et sous la poussée de la tradition, la servitude du gallicanisme radical, par la Constitution civile du clergé, puis ce fut la persécution ; enfin, quand il fallut comprendre que le catholicisme avait de trop profondes racines en France pour mourir, ce fut une séparation entourée de tant de restrictions et de contraintes que rien n’y était liberté. En même temps la Révolution ne cessait d’opposer à l’Église quelque culte nouveau.

3. Attitude de l’Église par rapport à ces principes. —

a) Sous la Révolution. —

L’Église, bien que son attention fût absorbée par les dispositions précises de la Constitution civile du clergé, cf. Exposition des principes sur la Constitution du clergé par les évêques députés, et par l’obligation du serinent constitutionnel, protesta cependant, dès le début, contre les principes nouveaux, si opposés à sa vieille tradition en France et à sa doctrine. Les évêques les combattirent devant l’Assemblée Nationale par leurs discours, devant