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LUXE — LUXURK


désir d’échapper à des ennemis, ou parce qu’on n’a pas d’autres vêtements, ou quelque autre raison du môme genre. Ibid., ad. 3°" ».

Que penser des artisans occupes à confectionner et à vendre les articles de toilette, ornements de luxe, habits et divers ajustements précieux ? Des ouvriers dont l’art se borne à fabriquer des choses dont on ne peut user sans péché, telles des images et autres objets d’un culte idolâtrique, sont absolument répréhensibles et tenus pour responsables des fautes qu’ils contribuent à faire commettre. Lorsque les articles de leur fabrication sont des objets dont on peut user bien ou mal, ils ne répondent aucunement de l’usage qu’on en fait, pas plus qu’un armurier ne participe au crime d’un assassin. L’exercice de leur art dans ce cas a lieu sans péché. Si les produits que préparent ces artisans prêtent à de nombreux abus, ils ne sont pas illicites pour autant. Or, comme les femmes ont le droit de se parer autant qu’il convient à leur condition ou même à dépasser un peu cette mesure, en vue de plaire à leurs maris, et d’une manière générale, comme les habits et les ornements de luxe peuvent être employés bien ou mal, les artisans qui les préparent et en font commerce ne pèchent aucunement. Ils ne seraient blâmables que si, mettant en œuvre les ressources de leur art, ils inventaient de nouvelles vanités, des curiosités plus ou moins lascives.

Saint Thomas, Summa théologien, II a —II æ q. clxix ; Bail, La théologie affective, Paris, 1855, t. iii, p. 425-428 ; A.-D. Sertillanges, La philosophie morale de saint Thomas d’Aquin, Paris, 1916, p. 527-530.

A. Thouvenin.

    1. LUXURE##


LUXURE. — I. Notion. II. Gravité. III. Espèces. IV. Conséquences. V. Remèdes.

I. Notion.

La luxure est le péché ou le vice opposé à la chasteté. Voir Chasteté. Elle consiste dans l’appétit et l’usage déréglés de la délectation vénérienne ou charnelle, inordinatus appetitus et usus delectationis venerese, Noldin, De sexto præcepto et de usu matrimonii, 16e édit., Inspruck, 1920, n. 5. Le mot appetitus indique les péchés internes, et usus les péchés externes.

Afin de faire mieux comprendre la nature de cette délectation, les théologiens font mention d’autres délectations qui en diffèrent radicalement. Mais, dans l’énumération et la description de cette délectation, ils sont loin d’être unanimes. Pour ne pas se méprendre sur leurs opinions, il faut se rendre bien compte du sens attaché à leurs définitions.

Il nous semble que la meilleure manière de classer les différentes délectations est la suivante. Partant d’une définition, admise par tous les théologiens, nous entendons par délectation en général : la complaisance et la jouissance qu’éprouve l’appétit dans la présence ou la possession de son bien : Quies seu complacentia appetitus in bono præsenti vel possesso. — On distingue un double appétit : l’appétit supérieur et l’appétit inférieur. La délectation qui naît dans l’appétit supérieur de l’âme par la possession ou la présence d’un bien spirituel, s’appelle délectation purement spirituelle. Quand celle-ci, par suite de son intensité, se déverse sur l’appétit sensitif et se fait sentir dans le corps, on l’appelle délectation spirituelle sensible (spiritualis sensibilis). Tels sont les sentiments de tendresse qu’on éprouve, parfois même physiquement, à aimer Dieu ou un ami auquel on est attaché par une affection tout honnête. — La délectation qui réside directement dans l’appétit sensitif peut être ou bien simplement sensitive, ou bien sensuelle, ou bien charnelle. La délectation simplement sensitive ou organique est celle qui provient de la perception d’un objet agréable à l’un des sens, objet qui de sa nature n’éveille pas la sensation charnelle. Telle est la jouis sance qu’on éprouve à respirer le parfum d’une fleur, à entendre de belle musique, à contempler un beau paysage, etc. En soi, cette délectation est moralement indifférente. — Par la délectation sensuelle, que certains auteurs appellent sensibilis carnalis, nous entendons celle qui est provoquée par la vue et surtout par l’attouchement d’une personne aimée d’une affection sensible pour sa beauté ou— ses charmes. Quoique souvent accompagnée d’une commotion du cœur et du sang, elle n’est cependant pas charnelle, mais elle excite facilement cette dernière. Voilà pourquoi, tout en étant en soi, spéculativement parlant, indifférente, elle est facilement péché à cause du danger de produire la délectation charnelle déréglée.

— La délectation charnelle ou vénérienne, appelée aussi libidineuse, est celle qui se fait sentir dans les organes sexuels, quee orta est ex commotione organorum et humorum generationi inservientium, qualisque percipitur in ipsa copula, pollulione, etc. Cf. Sporer-Bierbaum, Theologia moralis, 2e édit., Paderborn, 1901-1905, tr. x, n. 683. D’une manière plus précise, comme s’exprime Vermeersch, De castitate et de vitiis contrariis, 2e édit., Rome-Bruges, 1921, n. 28 : Delectatio venerea est propria generationis inchoatæ vel perfectee delectatio. Motus venereus est physica eorporis immutatio, quee delectalionem istam offert. La délectation charnelle diffère donc réellement de la délectation dite proprement sensuelle, même de celle qui est accompagnée d’une commotion du cœur et du sang ou d’une simple érection des organes sexuels.

La délectation charnelle n’est péché de luxure que si, comme le dit la définition, elle est déréglée. Or, elle a ce caractère si on la cherche en dehors du mariage ou bien dans le mariage au mépris de ses lois. Nous ne traiterons ici que de la luxure extraconjugale. Pour les péchés d’impureté conjugale voir Époux (Devoirs des) t. v. col. 374.

II. Gravité.

1° Distinction entre fautes de luxure et fautes d’impudicité. — Quand on parle des péchés, contre la chasteté ou contre la pureté, il faut distinguer entre péchés de luxure proprement dite et péché i contre la pudicité ou la pudeur. Les premiers sont ceux qui impliquent la délectation charnelle déréglée et tout ce qu’elle renferme ; y sont donc comprises la pollution et la copula. Les péchés contre la pudicité sont ceux qui n’impliquent pas la délectation charnelle, mais qui y exposent et souvent la provoquent : Impudicilia generatim dicitur voluntaria occupatio potentiarum circa provocantia ad libidinem, et quadruplex distingui potest scil. cordis, oris, aspectus, tactus quo spectant oscilla et amplexus. Sporer-Bierbaum, op. cit., tr. i, n. 373, 9.

Les péchés d’impudicité, comme nous le verrons plus loin, ne sont pas nécessairement des péchés mortels ; ils admettent la légèreté de matière. Les actes contre la pudicité, de leur nature, ne sont pas mauvais en eux-mêmes.

2° Gravité des fautes de luxure. Elles n’admettent pas de légèreté de matière. — Les actes de luxure proprement dite sont intrinsèquement mauvais, ils sont des péchés graves ex toto génère suo, et n’admettent pas de légèreté de matière. S’il est établi que la délectation charnelle extraconjugale n’admet pas de légèreté de matière, on comprendra facilement que la pollution et la copula, en dehors du mariage, sont aussi toujours des péchés graves.

1. Unanimité des théologiens’sur ce point.

Ainsi, il est hors de doute, et tous les théologiens l’enseignent, que provoquer directement ou accepter librement la délectation charnelle en dehors du mariage est un acte intrinsèquement mauvais. Car c’est agir contre l’ordre de la nature, puisque cette délectation a pour seul but d’accompagner et de favoriser l’acte de la génération, acte licite uniquement dans le mariage.