Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.2.djvu/147

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1699
1700
MAL, DOCTHINK SCOLASTIQUE


et un contraire ne peut être cause de son contraire que par accident. » (.'. dent., t. III, c. x ; I », q. xlix, a. 1.

Ç) Le bien cause accidentellement le mal en causant un bien auquel adhère un mal, quelle que soit par ailleurs, la raison prochaine de cette adhérence : qu’elle soit la déficience du bien cause principale, ou le défaut de l’instrument par lequel cette cause opère, ou l’indisposition de la matière sur laquelle elle agit, ou le particularisme exclusiviste de la forme qu’elle opère ;

t]) Autre cependant est la manière dont le mal est causé dans l’action et autre la manière dont il est causé dans l’effet. Dans l’action, « le mal est causé par le défaut de l’un quelconque des principes qui sont l’originede cette action, soit du côté de l’agent principal, soit du côté de la cause instrumentale » ; dans l’effet, « le mal peut provenir ou de la vertu active elle-même (de la cause efficiente), s’il ne s’agit pas de l’effet propre de cette cause (c’est le particularisme exclusiviste de la forme opérée), ou du défaut de la matière.

Ces principes établis, nous sommes naturellement amenés à nous poser la question de l’origine en quelque sorte « historique » du mal. Vient-il du souverain Bien ou du souverain Mal ?

9) Le mal et le souverain Bien. — La réponse appartient aux articles Providence, Prédestination… Énonçons simplement le principe : La cause du mal réside toujours dans un bien, et cependant, Dieu qui est la cause première de tout bien, n’est pas la cause du mal. Le mal, effet de la cause seconde déficiente peut-être imputé à Dieu, cause première quant à ce que cet effet contient d'être et de perfection mais non quant à ce qu’il contient de mauvais et de défectueux ;

i) Le souverain Mal : Y a-t-il un souverain Mal cause de tout mal ?

Textes : Il Sent., dist. I, q. i, a. 1, ad lum ; dist. XXXIV, a. 1, ad 4um ; a. 2 ; Sum.theol., U, q. xlix, a. 3 ; Ila-ILe, q. clxxii, a. 6 ; C. Gent., t. III, c. xiii, al. 15.

Solution. — Le souverain Mal n’existe pas : il n’y a pas un premier principe pour le mal, comme il y a un premier principe, pour le bien. — Les trois raisons qu’apporte saint Thomas à l’appui, découlent de la doctrine déjà exposée : Le souverain Bien, il est vrai, est bien par essence, la, q. vi, a. 2 ; mais il n’est pas possible que quelque chose soit mal par essence, car tout ce qui est, en tant que tel, est bien, et le mal ne peut exister que dans le bien comme dans un sujet ; le mal ne. peut jamais détruire totalement le bien, par suite il ne se peut pas qu’il y ait un mal qui soit totalement et intégralement mal ; tout mal ayant pour cause le bien, la raison de mal répugne à la raison de premier principe.

d) Finalité du mal. — Textes : Sum. theol., la, q. xix, a. 9 ; q. xlviii, a. 2 ; C. Cent., c. iv et vi ; De malo, q. i, a. 3.

Solution.- — a. Le mal ne peut jamais être objet direct d’intention : « Le mal, en tant que tel, ne peut être objet d’intention, ni voulu ni désiré de quelque façon ; car tout ce qui est appétible a raison de bien, auquel s’oppose le mal en tant que tel. » De malo, q. i, a. 3. Cette doctrine repose sur les deux axiomes connus : Bonum est quod omnia appelunt (Aristote, Ethic, I, i) ; Omnia bonum et optimum concupiscunt (Pseudo-Den., De div. nom., c. vi).

b. Mais il peut être objet indirect d’intention.

Il se pourra qu’un mal termine accidentellement l’appétit, en tant qu’il sera joint à un bien (que l’appétit désire ou peut désirer). Et ceci se remarque en chacun des trois appétits. » la, q. xix, a. 9. Le

lion qui tue un cerf, cherche sa nourriture (donc un bien pour lui) qu’il ne peut se procurer qu’en égorgeant cet animal.

c. Partant le mal peut être volontaire, voulu, non per se, mais per accidens. C’est le cas du capitaine qui jette à l’eau les marchandises pour sauver le navire. Son intention porte sur la fin, un bien, le salut du navire ; mais il veut se débarrasser des marchandises, non simpliciter, mais causa salutis. Cf. C. Cent., t. III, c. vi, n. 2.

d. Le mal ne concourt pas per se au bien de l’univers, mais seulement per accidens. Principaux textes : I Sent., dist. XLVI, q. 1, a. 2 et 3 ;.Sum. theol., la, q. xxii, a. 2, ad 2°" » ; q. xlviii, a. 2, ad 2< » n ; C. Gent., t. III, c. xxi et xciv. — Voir article Providence.

2. Le mal dans la créature raisonnable.

La créature raisonnable étant, seule parmi toutes les créatures, faite pour le bonheur proprement dit, son mal, parmi tous les autres maux, mérite une considération toute spéciale. Ce sera le mal moral. Cf. I, q. xlviii, a. 5.

Le mal de la créature raisonnable est double : le mal de la coulpe et le mal de la peine. « La peine et la coulpe ne divisent pas le mal pris d’une façon pure et simple ; il s’agit du mal dans les choses volontaires. » la, q. xlviii, a. 5, ad 2°m.

a) Le mal de lu coulpe. — Textes : En plus des textes qui seront signalés pour chacun des points particuliers, Sum. theol., Ia-IIa ?, q. lxxii et suivantes.

a. Son sujet. — Textes : Sum. theol., la, q. xlviii, a. 5 ; P-IIæ, q. lxxii, a. 6 ; De Malo, q. i, a. 4 ; q. ii, a. 7 ; II Sent., dist. XXXV, a. 1.

Solution. — Le mal de la coulpe, c’est le mal de l’action de la créature raisonnable, c’est-à-dire la faute ou le péché « qui n’est pas autre chose qu’un acte humain mauvais. Or, le fait d'être, en tant qu’acte humain, lui vient de ce qu’il est volontaire >, I a -IIa3, q. lxxi, a. 6. Le sujet de la coulpe c’est donc l’opération volontaire.

a) A parler en général, toute action est bonne comme, à parler en général, tout être est bon : l'être et le bien coïncident, et l’action est être. Mais la nature même du bien requiert la plénitude de l'être, et toute nature créée prête à déficience : l’action créée peut donc déchoir.

P) De même qu’on appelle mauvaise la chose qui manque de ce qu’elle devrait avoir, de même on appelle mauvaise l’action déchue de sa rectitude. Cf. I » -IIæ, q. xviii, a. 1.

y) Cette déchéance ne peut être que le fait de la volonté (voir infra : cause de la coulpe) ; d’où, culpa non potest esse nisi in his quæ per voluntatem sunt. II Sent., dist. XXXV, a. 1.

b. Sa nature. — Textes : les mêmes que plus haut, ajouter C. Gent., . III, c.ix ; Sum.theol., P-IIæ.q.Lxxi, a. 6 ; q. lxxii, a. 1.

Solution : a) C’est l’insubordination de l’opération à la fin à laquelle elle aurait dû être subordonnée. Peccatum est in his quæ nata sunt fînem consequi cum non consequuntur. II Sent., dist. XXXV, a. 1.

(3) Cette insubordination prive l’acte de la mesure qu’il devrait avoir, privation qui constitue l'élément « acte mauvais ». I a -Il£e, q. lxxi, a. 6. « D’autre part, la mesure, pour toute chose, se prend en raison d’une certaine règle qui, si elle n’est pas appliquée, fait que la chose n’a pas de mesure. » Ibid.

y) Or, il y a pour la volonté une double règle, l’une immédiate et homogène, qui est la raison humaine ; l’autre qui est la première règle, et qui est la Loi éternelle, ou la raison même de Dieu. Ibid.

S) En définitive, l’insubordination atteint donc à travers la raison, le principe dernier lui-même qui impose la fin dernière.