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MARIAGE DANS LES PÈRES. LE SACREMENT


nuances nouvelles. Pour plus de clarté, nous diviserons en trois classes les passages où nous trouvons ce mot : d’abord ceux où il se contente d'énumérer les bona nuptialia, parmi lesquels il place le sacramentum ; puis ceux où il expose avec quelque détail ces bona nuptialia ; enfin ceux où il parle de sacramentum sans rapport avec les bona nuptialia. Nous ne prétendons d’ailleurs pas relever tous les passages ; mais du moins signaler les principaux.

1. Les bona nuptialia sont au nombre de trois, selon saint Augustin, et leur énumération, sous des termes différents, reste toujours identique ; par exemple, gencrandi ordinatio, fides pudicitiæ, connubii sacramentum, De pecc. origln., 39, P. L., t. xliv, col. 404 ; proies, pudicitia, sacramentum, ibid., 42, col. 406 ; in castitalis fide, in conjunctionis fœdere, in propaginis germine, Contra Julian., III, 57, col. 732. Si on compare ces trois passages, on est frappé de la concordance qui existe entre les trois bona nuptialia ; ce sont bien les mêmes ; or, celui qui en deux endroits, est appelé sacramentum ou connubii sacramentum est désigné dans le troisième par in conjunctionis fœdere. Il s’agit donc du lien sacré et inviolable qui unit les époux.

2. Dans d’autres passages, les mêmes bona nuptialia sont exposés avec plus de détails. — De nuptiis et concupiscenlia, I, 11, t. xliv, col. 420. Pour prouver l’existence du sacramentum, saint Augustin fait appel au texte de saint Paul ; et ce même texte l’aide à expliquer ce qu’il entend par là : le sacramentum, c’est encore l’indissoluble engagement qui unit les époux : hujus procul dubio sacramenti res est ut mas et jemina connubio copulati, quamdiu vivunt, inseparabiliter persévèrent ; mais la raison profonde de cette indissolubilité, c’est précisément le rapport de symbole qui existe entre le mariage et l’union du Christ avec l'Église ; cette dernière ne pouvant être rompue par le divorce, le mariage non plus ne doit pas être rompu. Si pourtant les époux prétendaient se séparer, le lien, extérieurement brisé, subsisterait toujours pour leur condamnation, comme subsiste dans l’apostat le caractère du baptême, sicut apostatæ anima, velut de conjugio Christi recedens, etiam fide perdita, sacramentum fidei non amittit, quod lavacro regenerationis accepit. Deux idées nouvelles complètent donc le sens premier du mot sacramentum : c’est un engagement sacré, d’autant plus inviolable qu’il est l’image du lien éternel entre le Christ et l'Église ; un engagement dont la perpétuité rappelle le caractère ineffaçable produit par un autre sacramentum, par le baptême. — Ibid., n. 13, col. 421. Saint Augustin trouve un vrai mariage dans l’union de la Vierge avec Joseph ; et dans ce mariage existent les trois bona nuptialia : proies, fides, sacramentum. Prolem cognoscimus ipsum Dominum Jesum ; fidem, quia nullum adulterium ; sacramentum, quia nullum divortium. Il s’agit d’un engagement indissoluble. — Ibid., n. 19, col. 424. La pensée est la même : le sacramentum est l’engagement que l’on ne peut rompre et qui subsiste même quand on y manque : sacramentum, quod nec separati nec adulterati amittunt, conjuges concorditer casteque custodiant. — Ibid., n. 23, col. 427. Il explique le sacramentum en faisant appel au texte dé la Genèse : relinquet homo… et adharebit… et à l’union du Christ avec l'Église : entre l’homme et la femme, comme entre le Christ et l'Église, il y a conjunctionis inseparabilis sacramentum. — De bono conjugali, 32, t. xl, col. 394. Dans tous les mariages, même païens, il y a deux des bona nuptialia ; mais la sanctitas sacramenti est spéciale aux mariages chrétiens. En quoi consistet-elle ? per quam nefas est etiam repudio discedentem alteri nubere, dum vir ejus vivit. On ne se marie que pour avoir des enfants ; cependant, même si le mariage

est stérile, on ne peut le rompre, le sacramentum demeure. Saint Augustin l’explique par une comparaison qui intéresse vivement la question : Quemadmodum si fiai ordinatio cleri ad plebem congregandam, eliamsi plebis congregatio non subsequatur, manet tamen in illis ordinatis sacramentum ordinationis ; et si aliqua culpa quisquam ab offtcio removeatur, sacramento Domini semel imposito non carebit, quamvis ad judicium permanente. Quelques lignes plus loin, il explique le sacramentum du mariage par le texte de saint Paul : Uxorem a viro non discedere.., I Cor., vii, 10, 11. La comparaison employée ici est analogue à celle que nous avons rencontrée plus haut : le sacramentum du mariage, déjà comparé au sacramentum fidei du baptême, est maintenant comparé au sacramentum ordinationis ; mais c’est toujours au même point de vue, celui de sa fermeté et de son inviolabilité : comme on est chrétien pour toujours, comme on est prêtre pour toujours, on est marié pour toujours.

3. Dans un passage, saint Augustin parle du sacramentum nuptiarum sans le faire entrer dans une liste de bona nuptialia. De bono conjugali, 21, t. xl, col. 387, 388. Il compare le sacramentum nuptiarum singularum, le mariage monogame des chrétiens, au sacramentum pluralium nuptiarum, au mariage polygame des patriarches. Dans un cas comme dans l’autre, il y a un symbolisme mystérieux : les anciens mariages préfiguraient l'Église, où toutes les nations se soumettraient à Dieu ; le mariage unique est une figure du ciel où l'Église elle-même sera consommée dans l’unité. Qu’il ne s’agisse pas dans ce texte de sacrement au sens actuel du mot, le P. de Smedt’le démontre facilement par le seul fait que les mariages juifs sont dits sacramentum au même titre que les mariages chrétiens. Principes de la critique historique, Paris, 1883, p. 112-114. Mais la pensée du saint docteur semble plus complexe que dans les autres passages. Son attention se porte surtout sur l’unité du mariage chrétien, tellement nécessaire au sacramentum temporis nostri que l'Église n’ordonne pas ceux qui ont été mariés deux fois, non qu’ils aient commis une faute, mais parce qu’ils n’ont plus l’intégrité du sacrement. Et en même temps l’idée du lien indissoluble reste également présente à l’esprit de saint Augustin, et ce lien indissoluble est toujours essentiel au sacramentum : apostasier et violer l’engagement du baptême ou violer rengagement du mariage sont des péchés semblables ; les anciens ne pouvaient sans péché rompre leurs mariages ; à plus forte raison ne le peut-on pas maintenant, pas même pour remédier à la stérilité du foyer : in nostrarum quippe nuptiis plus valet sanctitas sacramenti quam fecunditas uteri.

On ne peut donc se ranger complètement à l’opinion de Vasquez, d’après laquelle le mot sacramentum, pour saint Augustin, signifie seulement que le mariage chrétien est une image de l’union du Christ avec son Église, opinion adoptée également par le P. de Smedt, op. cit., p. 112. Encore moins peut-on admettre l’affirmation d’autres théologiens, qui veulent y trouver le sens précis que la théologie et l'Église ont ensuite donné au mot sacrement, par exemple, pour ne pas citer de théologiens plus récents, Perrone, De matrimonio christiano, Liège, 1861, t. i, p. 17, IS et p. 45, n. 121. La vérité est autrement nuancée. Le mariage est sacramentum, d’après saint Augustin, en ce sens qu’il est un engagement indissoluble entre les deux époux ; mais aussi parce que l’indissoluble fermeté de cet engagement a pour raison, fondement et idéal l’indissoluble union du Christ avec son Église : parce que l’unité essentielle à cet engagement dans le mariage chrétien est un symbole de l’unité de l'Église