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MARIAGE. LES PREMIERS SC0LASTI01 ES
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(l’est que, dès l'échange « les consentement*, il y a union des volontés, des Ames, aussi Importante que celle des corps, « car ceux dont les corps doivent être unis par l’acte conjugal, sont tenus d’accorder également leurs Ames. « Ep., c.xxxiv. I.a figure (le l’union (lu Christ et de l'Église ne peut se réaliser par la seule copula carnalis, il y faut la charité, « …nous ne reconnaissons point le mariage là où ne se trouve point le.sacrement du Christ et de l'Église. Or, elle ne semble point inclure ce sacrement, la conjonction de l’homme et de la femme dans laquelle n’est pas ohservé le précepte de la charité. « Ep., ccm.ii. L’affirmation de l’union du Christ et de l'Église par la charité est appelée à une grande fortune. En somme, Yves de Chartres considère que la figure de cette union est indispensable (tandis que la copula ne l’est point), qu’elle se réalise dès le pacte conjugal et que, déjà, les fiançailles accompagnées d’un serment sont la plus grande partie du mariage. Seulement, la copula ajoute au consentement un complément sur la nature duquel Yves ne s’explique point avec clarté.
Ainsi, de grands doutes subsistent, les canonistes sont hésitants sur la valeur relative des éléments qui semblent concourir à la formation du lien matrimonial. Dans toutes les collections post-grégoriennes, cependant, on peut suivre l’introduction progressive de fragments du droit romain relatifs au mariage. Plusieurs d’entre eux avaient pénétré dans les recueils canoniques dès avant l’an 1000. On en trouve notamment dans l’Anselmo dedicata ; mais l’insertion de tous les textes importants des compilations de Justinien commence à la fin du xie siècle. La Britannica (Neues Archiv., t. v, p. 570) et les collections chartraines en accueillent un bon nombre. E. Sehling, Die Unterscheidung der Verlôbnisse im kanonischen Recht, Leipzig, 1887, p. 50 sq. La maxime fameuse d’UIpien n’entra dans les collections que vers l’année 1110, où on la voit figurer au Polycarpus (P. Fournier, Les deux recensions de la Collection canonique romaine dite le Polycarpus, dans Mélanges d’archéologie et d’histoire publiés par l’Ecole française de Rome, t. xxxvii, 1918-19, p. 73, 84), et, sous une forme singulière, dans la Cœsarauguslana : Nuptias non concubitus sed afjectus facit. P. Fournier, La collection canonique dite Cit’saraugustana. dans Noiw. revue hist. de droit…, 1921, p. 70.
Ce n’est pas seulement dans les collections qu’elle s’inscrivit. La papauté lui donne une confirmation nouvelle dans un texte d’autant plus intéressant qu’il marque bien de quel consentement il s’agit : Dico, quod legitimo consensu interveniente ex eo statim conjux sit, quo sponlanca concessione sese conjugem esse asserit. Non enim futurum promitlebatur, sed priesens firmabatur. Innocent II (1130-1143) distingue ainsi mariage et fiançailles, consentement actuel et promesse et il affirme que le consentement actuel fait le mariage. Compil. I", IV, i, 10, dans Friedberg, Quinque Compilationes antiquæ, p. 44.
3. La défense du mariage dans la première moitié du XII » siècle. — Plus urgente encore que la théorie du droit, la défense de l'état de mariage sollicite, en cette première moitié du xiie siècle, l’activité des conciles et des théologiens.
La condamnation du mariage est une des parties communes à presque toutes les hérésies qui prospèrent en ce temps-là : probablement, elle est inscrite au programme des pétrobrusiens, et l’on sait avec quelles expressions sévères, elle figure dans celui d’Henri de Cluny. Ci-dessus, t. vt, col. 2180.
Les conciles ne tardèrent point à réprimer ces attaques. Le concile de Toulouse, en 1119, c. 3, vise vraisemblablement Pierre de Bruys. Cependant, les propositions que Pierre le Vénérable attribue à cet
hérétique laissent si bsister un doute sur ses sentiments. lletclc-I.eclercq, t. v (/, p. 570 sq.
Le même texte devint la loi de l’Eglise universelle au X' concile œcuménique, second du Latran, en 1139. Le c. 23 est ainsi conçu : Ceux qui, sous le prétexte d’ardeur religieuse, condamnent l’eucharistie, le baptême des enfants, le sacerdoce et les divers ordres et le lien du mariage, nous les chassons, comme hérétiques, de l'Église de Dieu, nous les condamnons et les livrons au bras séculier. Leurs partisans sont frappés des mêmes peines. Mansi. ConciL, t. xxi, col. 532 ; rlefele-Leclercq, loc. cit.. p. 731 sq.
La sainteté du mariage est affirmée contre les hérétiques avec une vigueur admirable par saint Bernard dans son sermon lxvi, n. 3-5, P. L., t. clxxxju, col. 1091 : Il faut être bestial pour ne pas s’apercevoir que condamner les justes noces, c’est lâcher les rênes à toutes sortes d’impudicités. Otez de l’Eglise le mariage honoré et le lit sans tache, et vous la remplirez de concubinaires, d’incestueux, d'êtres immondes. Choisissez donc, ou de remplir le ciel de tous ces monstres ou de réduire le nombre des élus aux seuls continents… » E. Vacandard, Vie de saint Bernard, Paris, 1920, p. 214 et sq. (nous lui empruntons le fragment traduit de ce sermon dont la véhémence est, jusqu’au bout, soutenue).
On trouverait dans tous les premiers scolastiques qui ont eu à s’occuper du mariage des déclarations fermes sur l’honnêteté du lien conjugal. Saint Anselme qui dans son De coniemptu mundi, P. L., t. CLvm, col. 698 sq., n’a point manqué de décrire les charges du ménage, est aussi empressé à reconnaître, dans le De nuptiis consanguineorum, ibid., col. 555, la sainteté du mariage légitime.
.Mais le plus fructueux travail des premiers scolastiques, ce fut la coordination des auctoritates sur lesquelles s’exerce déjà la dialectique, coordination qui prépare les voies au premier traité de grand style, celui d’Hugues de Saint-Victor.
4. Les collections de Sentences.
Cette période de 1090 à 1140 est l'âge d’or des collections de Sententiæ. G. Robert, Les Écoles et l’enseignement de la théologie pendant la première moitié du XIIe siècle, Paris, 1909, p. 125-131 ;.M. de Wulf, Histoire de la philosophie médiévale, 1o période, c. m ; M. Grabmann, Die Geschichte der scholastischen Méthode, t.n, Fribourg, 1911, p. 131 sq. ; J. de Ghellinck, Le mouvement théologique du XIIe siècle, Paris, 1914, p. 80 sq. Sur les diverses classes entre lesquelles se répartiront, désormais, les écrits théologiques, cf. G. Théry, dans Revue des sciences philosophiques et théologiques, 1923, p. 237. Presque toutes ces collections contiennent des sentences sur le mariage dont l’intérêt ne réside pas seulement dans le choix, mais encore dans les sommaires ou les commentaires qui les relient. Nous examinerons ici quelques-uns de ces Sentenciaires.
Les Sententiæ Magistri A., attribuées à Alger de Liège, par Hilffer, Beitràge zur Geschichte der Quellen des Kirchenrechts, Munster, 1862, p. 28 sq. (attribution contestée, cf. de Ghellinck), font au mariage une place importante, Bibl. nat., ms. latin 3881, fol. 198 sq. Le c. 00 est ainsi conçu : Non est perfeclum conjugium ubi non sequitur commirlio sexuum. L’importance de ce texte a été mise en relief par Hïiffer, op. cit., p. 14 sq. : Sehling, op. cit., p. 54. Son histoire nous paraît sujette à revision. — Les Sententiæ contenues dans le ms. Y 43 Sup. de la Bibliothèque ambrosienne à Milan, que Grabmann attribue à Irnerius, sans rallier tous les suffrages (cf. de Ghellinck, op. cit., p. 84, n. 5), ont quatre titres relatifs au mariage. Grabmann, op. cit.. p. 133, note 1.
On sait quel développement Anselme de Laon é + 1117) et Guillaume de Champeaux († 1121) don-