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MARIE MÉDIATRICE : ACQUISITION DE LA GRACE

XV.n

xiie siècle, caractérisée principalement par une affirmation assez explicite, quoique encore générale, de la maternité humaine et de la médiation universelle de Marie.

Chez saint Augustin, outre l’antithèse entre Eve, cause de mort, et Marie, source de vie pour toute l’humanité, De agone christiano, xxiii, P. I.., t. xl, col..'jo.'i, on remarque une indication très nette de la maternité humaine de.Marie, appelée mère de tous les membres de notre chef Jésus-Christ, De sanctu virginitate, vi, (i, col. 399. En même temps Augustin signale la coupération de charité donnée par Marie à notre rédemption, cooperata est caritule ut fidèles in Ecclesia nascerentur qiuv illins capitis (Salvatoris) membra sunt. Loc. cit.

Saint Pierre Chrysologue appelle Marie muter viventium per gratiam, par opppsition à Eve qui a été mater moricnliiun per natunim. Serm., cxl, P. L., t. iii, col. 576. Ailleurs, en affirmant que dans l’annonciation l’ambassadeur divin traite avec Marie l’affaire de notre salut ou la réparation du genre humain, le saint docteur laisse bien entendre que Marie est, de quelque manière, associée au plan divin de notre rédemption. Serm., cxlii, col. 579.

Au viii° siècle, saint 13ède reproduit l’antithèse entre Eve, par laquelle la mort est entrée en ce monde, et Marie, qui y a ramené la vie. Homil. i, in feslo annuntiationis B. M., P. L., t. xciv, col. 9 ; Homil. ii, //i lesto visitationis B. M., col. 16 sq.

Saint André de Crète († 720), en faisant ressortir ce même contraste, In nalivit. B. M. homil., P. G., t. xcvii, col. 813, appelle Marie médiatrice de la grâce, In nativit. B. M., nom. iv, col. 865 ; dispensatrice et cause de la vie, In dormitione S. M., iii, col. 1108. — Chez saint Germain de Constantinople († 730), même contraste entre Eve et Marie, et surtout affirmation, beaucoup plus explicite de la médiation universelle de Marie que nous étudierons plus loin, et de laquelle nous détachons pour le moment, cette seule phrase, que personne n’a été racheté si ce n’est par la Mère de Dieu. In dormit. B. M., ii, P. G., t. xcviii, col. 349. Saint Jean Damascène († 754) donne à Marie le titre de médiatrice, In dormit. B. M., hom. i, 8, P. G., t. xevi, col. 713, et affirme que nous lui devons tous les biens qui nous sont conférés par Jésus-Christ. In dormit. B. M., hom. i, 3, 12 ; hom. ii, 16, col. 705, 717, 744. Jean d’Eubée († 744), en expliquant que le serpent devait être écrasé par Marie, enseigne indirectement sa coopération à notre salut. Sermo in conceplione Deiparse, xxi, P. G., t. xevi, col. 1496. Au ixe siècle, saint Théodore le Studite († 828) reproduit simplement l’antithèse entre Eve et Marie. In dormit. Deiparse, hom. v, 2, P. G., t. xcix, col. 721.

En Occident, saint Fulbert de Chartres († 1028) ajoute au contraste entre Eve et Marie, Serm. IX, de annuntiatione, P. L., t. cxli, col. 336, cette affirmation indiquant le rôle du consentement de Marie dans l’accomplissement de notre rédemption : O beata Maria, sseculum omne captivum deprecatur tuum assensum, col. 337. Saint Pierre Damien († 1072), outre le titre de Mère du rédempteur qu’il donne à Marie, Serm., xlv, P. L., t. cxliv, col. 741, 743, montre que, dans l'œuvre de notre rédemption, rien ne s’est accompli sans elle, ita sine illa nihil refectum sit. Serm., xi, col. 558. Chez saint Anselme († 1109) se rencontre plusieurs fois cette affirmation que les bienfaits de la rédemption nous sont venus par Marie, Oral., xlvii sq., lu sq., P. L., t. clviii, col. 945 sq., 955, 959, 964. Plus explicite encore, Eadmer († 1124) dit que, par ses mérites, Marie a contribué à notre rédemption. De excellentia B. M., ix, xi, P. L., t. clix, col. 573, 578 sq. L’enseignement de saint Bernard († 1153) est formel relativement à la coopération de Marie à notre rédemption. Tandis qu’Eve a suggéré notre prévarication,

Marie a procuré notre rédemption. Serm. de XII prœrog. B. Y. M.. 2, P. I.., t. clxxxiii, col. 430. C’est pai elle que la miséricordieuse main du Tout-Puissant a recréé tout ce qu’elle avait créé. In festo Penlecosles, serin, ii, 2, col. 328 : In assumptione B. M. '.. serm. ii, col. 417 sq. Aussi Marie est-elle appelée gratis inventrix, mediatrix salutis, reslauratrix sœculorum. Epiât., ci. xxiv, 2, t. clxxxii, col. 333. C’est par son consentement a l’accomplissement du mystère de l’incarnation que notre délivrance a été effectuée : statim Itberabimur si consentis. Super M issus est, hom. iv, 8, /'. L., t. clxxxiii, col. 83.

3e période, depuis le milieu du XII » siècle jusqu'à l'époque contemporaine, période caractérisée, surtout depuis le xvie siècle, parla fréquente affirmation très explicite de la coopération de Marie à notre rédemption, consommée par son propre sacrifice consenti au moment de l’annonciation et accompli sur le Calvaire. Nous nous bornerons pour cette longue période, à marquer sommairement le mouvement des idées relativement à la nature de la coopération de Marie et à l’emploi du terme corédemptrice ou d’expressions analogues.

Au xii c siècle, l’auteur qui parla le plus explicitement sur ce point lut Ernald ou Arnaud de Chartres († 1156). Arnaud loue particulièrement le sacrifice par lequel Marie s’est immolée intérieurement pour le salut du monde. Sacrifice d’holocauste simultanément offert à Dieu par Jésus et Marie, par Jésus in sanguine carnis, par Marie in sanguine cordis, loc. cit. Ainsi, en commun avec Jésus, Marie causa e salut du monde. De laudibus B. M. Y., P. L., t. clxxxix, col. 1727. A sa manière, Marie coopérait ad propitiandum Deum… cum lam propria quam matris vola caritas Christi per/erret ad Patrem, cum quod mater peteret, Filius approbaret, Pater donaret. Tract, de VII verbis Domini in cruce, iii, col. 1694 sq. Selon Richard de Saint-Victor († 1173), Marie a désiré, cherché et obtenu le salut de tous. Elle est le salut de tous, parce que par elle le salut de tous a été accompli. Explic. in Cant. cantic, xxvi, P. L., t. cxcvi, col. 483. Adam de SaintVictor († 1192), dans sa séquence pour la fête de l’Assomption, dénomme Marie mediatrix hominum, salutis puerpera. Sequentiæ, xxv, P. L.. t. exevi, col. 1502.

Au xiip siècle Albert le Grand célèbre Marie coadjutrix et socia Christi. Pour le genre humain, elle a participé aux souffrances de son divin Fils. Tous les disciples fuyant, elle est restée seule près de la croix. Dans son cœur, elle ressentit les plaies que Jésus ressentait dans son corps. Mariale sive queesliones super evang. Missus est, q. xlii, Opéra omnia, Paris, 1898, t. xxxvii, p. 81. Marie fut associée à la passion de son divin Fils, facta fuit ei in adjutorium simile sibi, pour aider à l'œuvre souveraine de miséricorde et régénérer toute l’humanité. Op. cit., q. cxlviii, p. 214. — Vers la même époque, Richard de SaintLaurent loue Marie devota coadjutrix ad mundi redemptionem. De laudibus B. Mariée, iii, xii, 5, dans les œuvres du B. Albert le Grand, Lyon, 1651, t. xx b, p. 96. Saint Thomas émet ce principe si riche en enseignements : Marie, au moment de l’annonce qui lui fut faite par l’ange, exprima son consentement loco totius humanæ naturæ, pour l’union entre le Fils de Dieu et la nature humaine. Sum. theol., III a, q. xxx. a. 1. Un tel consentement ne suppose-t-il point une coopération elïective à notre rédemption ? Saint Bonaventure dit d’une manière générale que c’est par ses mérites, par ses exemples et par son intercession, que Marie est pour toute l’humanité la porte du ciel. Serm., vi, de annunlialionc B. Y. M. Opéra omnia, Quaracchi, 1901, t. ix, p. 705.

Au xve siècle saint Bernardin de Sienne († 1444)