Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/105

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Or, dans la nuit du 19 au 20 février, il arriva que des inconnus pénétrèrent dans le château de La Sarraz, enfoncèrent la porte de la salle des archives et jetèrent dans les eaux de la Venoge tous les titres, actes et terriers dont ils purent se rendre maîtres. Il fut impossible de découvrir les auteurs de cette audacieuse action : on se perdit d’abord en conjectures erronnées, mais bientôt le bruit se répandit partout qu’un vaste complot était ourdi par les campagnards dans le but d’anéantir les papiers des châteaux et partant les écrits anciens établissant la dette du vilain envers le gentilhomme, l’obligation de payer les dîmes, tailles, cens et lods.

Des bandes de paysans grotesquement armés se donnèrent rendez-vous pour s’emparer de Lausanne, où existait un grand dépôt d’archives, mais il y eut irrésolution, malentendu ; bref l’entreprise échoua, la ville fut mise en état de siége, et quelques seigneurs alarmés eurent le temps d’envoyer leurs parchemins à Berne pour les sauver du fagot.

Ces vassaux firent des courses de tous côtés, campant comme des routiers et des bohémiens vagabonds, tantôt à Saint-Sulpice, tantôt dans la plaine du Loup, aujourd’hui sur les bords du Léman, demain sur ceux de l’Aubonne et de la Venoge ; à la Côte, à la Vaux et ailleurs, voire aux portes de Lausanne ; une fois même ils traversèrent cette ville pêle-mêle, poussant les cris de