Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un brigand nommé Reymond, ont fait un auto-da-fé des archives de ma famille.

Je vais t’apprendre en peu de mots, mon cher Émile, ce qu’étaient ces misérables et ce brigand Reymond ; pour cela je dois commencer par t’exposer l’état du Pays de Vaud en 1802, époque où se passaient les événements que me remémoraient les paroles de mon hôte.

Ce pays s’appelait alors Canton-Léman, il avait été affranchi, depuis peu d’années, de l’autorité bernoise par les baïonnettes de la République française, et, satellite de la grande planète révolutionnaire, il en suivait à peu près les phases agitées et s’essayait à vivre du régime démocratique, tout en conservant des usages féodaux ; les Français occupaient toujours Lausanne conjointement avec des bataillons helvétiques, plusieurs partis étaient en présence, celui-ci voulait la réunion pure et simple à la France, celui-là la constitution cantonnale, un autre un gouvernement unitaire pour toute la Suisse ; quant aux gens des campagnes, ils soupiraient après la suppression entière des redevances féodales, des droits seigneuriaux sur leurs patrimoines, et ne demandaient guère qu’à en être libérés pour toujours. Mais les possesseurs de fiefs héréditaires ou acquis tenaient mordicus aux vieux us et coutumes, résistaient de toutes leurs forces aux tentatives d’émancipation des tenanciers : — cela se conçoit aisément.