Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que de lui-même, il mange, boit et dort à sa guise, augmente ou restreint sa dépense ; en un mot, conserve une indépendance complète dans ses allures, et ne redoute aucune opposition à ses fantaisies, aucune entrave à ses desseins. Personne ne le trouble dans ses réflexions, ne lui parle quand il a envie de garder le silence, ne l’assomme d’un verbiage indifférent, et ne provoque obstinément des réponses fatigantes ; personne ne lui dit : allons à droite, quand il désire aller à gauche ; venez à l’ombre, quand il préfère cheminer au soleil ; il n’est point obligé de faire et de demander à autrui de ces réciproques concessions sans lesquelles il n’y a pas de bonne intelligence possible ; il jouit de son libre arbitre, exempt de la crainte de gêner ou de contrarier quelqu’un qui peut-être n’ose se plaindre et proteste mentalement contre un projet subit, une résolution soudainement prise et réalisée en dehors de ce qui était convenu d’avance.

Deux amis peuvent fort bien avoir un tempérament différent, des goûts et des habitudes inconciliables. L’un, par exemple, aime à dormir tard, l’autre à se lever matin : cet inconvénient est des plus fâcheux quand on tient à faire route ensemble ; il y a toujours contrariété, humeur, rechignement et murmures au moment du départ. Je m’arrête là et conclus qu’il est bon de voyager seul.