Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/115

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Prête l’oreille maintenant à ma plaidoirie pour la partie adverse :

Je soutiens qu’il est mauvais de n’avoir pas un compagnon de voyage et prétends le prouver sans de longs discours.

Le voyageur solitaire s’ennuie bien vite de ne pouvoir communiquer à personne les réflexions que lui suggèrent mille objets, une sorte de mélancolie assombrit ses pensées ; sa rêverie devient vague, confuse et se fatigue d’un continuel exercice ; l’instinct de la sociabilité ne tarde pas à se révéler impérieusement et le porte à échanger des paroles avec les premiers quidams qu’il rencontre, auxquels il n’a rien à dire, dans le seul but d’entendre des voix humaines. Et puis, s’il tombe malade, s’il est assailli par des malfaiteurs, les soins et l’assistance d’un compagnon ne valent-ils pas mieux pour lui que ceux des étrangers ? La conversation intermittente repose l’esprit et empêche de trouver le temps long quand on se voit obligé de traverser un pays monotone, uniforme et triste, ou, qui pis est, de s’y arrêter, de séjourner au milieu de gens grossiers et ignorants.

La conclusion de ceci est facile à déduire.

Mais trêve d’avocasserie ! je ne sais, en définitive, lequel vaut le mieux de voyager seul ou avec quelqu’un ; j’attendrai ton opinion là-dessus ; — souvent il m’arrive de