gards de l’imagination, il n’est pas possible de la perdre de vue longtemps.
On s’aperçoit aisément que les touristes, en si grand nombre dans le canton de Vaud, ne s’éloignent point du littoral du Léman : à mesure que l’on pénètre au cœur du pays on trouve des bourgades plus pauvres, des auberges plus misérables, des habitants moins civilisés et moins civils, qui regardent l’étranger-artiste avec une sorte d’étonnement idiot et prennent volontiers son bagage portatif pour la pacotille d’un marchand ambulant, d’un colporteur. Il est à remarquer aussi que les touristes de la zone qui borde le lac sont en grande partie des Anglais qui ne voyagent point à pied ; les peintres et les poètes préfèrent avec raison à ce canton l’autre bord du lac qui appartient à la Savoie : là sont les puissants effets, les magnificences sévères et grandioses de la nature, les sites sauvages, imposants, vraiment sublimes, vraiment inspirateurs. Je parcourrai dans peu de jours ces rives qui furent françaises et qui le redeviendront tôt ou tard.
J’ai fait rencontre aux environs de Bussy de deux jeunes gens et d’un enfant montés sur un chariot villageois et chassant devant eux des vaches qu’ils venaient d’acheter à la foire et qui tondaient à belles dents les haies du chemin. Ils m’ont demandé si je vendais des chansons, et ma réponse a été facétieusement affirmative.