petite blondine de huit ans, vive et éveillée. J’appris qu’elle revenait de Saint-Livres, qu’elle avait un crouye papa, — un méchant papa, — qu’elle avait eu trois mamans, que le crouye papa donna un coup de hache à la première maman qui en mourut, et que la dernière maman, encore vivante, était souvent battue par le crouye papa et battait Marie pour s’en venger. Ces détails naïfs me touchèrent et je plaignis du fond du cœur cette pauvre petite créature qui trottait pieds nus à côté de moi dans la poussière du chemin.
La route, au sortir de Lavigny, descend brusquement au fond du vallon par une pente raide ; nous traversâmes là un pont romantique, sous lequel l’Aubonne fait rage parmi des blocs de rochers moussus et des lianes pendantes. Pour éviter les rampes qui serpentent au flanc de la montagne et abréger notre chemin, la petite fille me fit prendre un sentier rapide où l’on a pratiqué un champêtre escalier au moyen de planches enfoncées dans le sol.
Bientôt nous arrivâmes au pied des grands et irréguliers murs de clôture du château d’Aubonne et je dis à Marie de me conduire au meilleur hôtel de la ville. Elle me pria de l’attendre un moment et courut chez sa belle-mère, — du moins je l’imagine. — Quand elle fut revenue, elle me demanda un demi-batz pour me servir de conductrice. Je lui en donnai un tout entier (15 centimes), et elle me