Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/285

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qui avait fait une émeute en faveur de la faction dite des Artichauds dévouée aux intérêts de Berne, fut décapité en 1540 ; partout des pensionnats, des enclos, de petites campagnes paisibles, de belles plantations, des prairies, des sentiers bordés de buissons. Qui pourrait imaginer, s’il ignorait l’histoire, que le sol de ce coteau délicieux est, en quelque sorte, formé de la poussière de cadavres ; que là où les bourgeois de Genève viennent se livrer aux douceurs de la villeggiature, où les enfants folâtrent dans les vergers, où les fleurs s’épanouissent et les fruits se colorent, où les oiseaux murmurent et sifflent de branche en branche, où les parterres exhalent leur arôme, des milliers de malheureux périrent dans les angoisses, dans les tortures, par le feu, par la corde ou par la hache, pour des crimes, des systèmes, des croyances, des opinions, des partis ?...

Tout ici respire la quiétude, le bien-être, le bonheur reposé ; mais sous l’allée de catalpas que parcourt une belle promeneuse un livre à la main, et rêvant de sa lecture, agréable sans doute, il y a peut-être plusieurs couches d’ossements humains...

Oh ! si me présentant tout-à-coup devant elle, je lui apprenais que Champel fut le coteau des agonies affreuses, des atroces souffrances, des horribles désespoirs, des pleurs de sang, un théâtre de mort violente, elle serait troublée, péniblement impressionnée, et ces