Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/293

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geaison théologique et anti-trinitaire qui le porta à négliger ses malades et à faire imprimer secrètement un livre qui attaquait Calvin.

Forcé peu après de quitter la France à cause de ses opinions hétérodoxes, il compta trop sur la générosité de celui-ci et se réfugia à Genève.

Le Réformateur genevois, oubliant les lois de l’hospitalité et ne prenant conseil que de son zèle de chrétien, exagéré jusqu’au fanatisme, et de sa rancune, fit jeter le voyageur dans un cachot où il eut à souffrir mille privations, mille gênes ; et n’ayant pu obtenir de lui la rétractation de ses erreurs, il le mit en jugement.

Le tribunal s’assembla le 21 octobre 1553, délibéra trois jours et rendit un arrêt qui condamnait l’Espagnol au feu[1] ; Servet en étant instruit poussa des sanglots déchirants et cria miséricorde.

Farel, d’après l’ordre du Conseil, se présenta au condamné le jour de l’exécution de la sentence et le pressa vivement de se rétracter ; mais lui, quoique fort abattu, en proie à la prostration, déjà moralement mort, ne voulut point y consentir. Il fut amené devant l’hôtel-de-ville, au milieu d’une grande affluence d’habitants qui remarquaient avec compassion son effrayante maigreur et ses cheveux blanchis par une courte captivité.

  1. Calvin avait eu soin de prendre l’avis, au préalable, des églises reformées de la Suisse qui avaient opiné pour le bûcher.