Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/353

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il le pouvait faire sans crainte, et que la faveur de la Reine des anges lui en donnait le moyen. »


Voilà pourtant une des aventures toutes simples, — mais réputées alors merveilleuses, surnaturelles, — qui faisaient prendre à nos pères la pieuse et méritoire fantaisie de fonder un monastère et d’accorder des rentes à de saints fainéants.

Les plus célèbres couvents tirent leur origine d’un conte absurde, d’une croyance superstitieuse, d’une terreur populaire, d’une imbécillité d’esprit.

Ici nous voyons un châtelain qui, se donnant le noble plaisir de la chasse, est grièvement blessé par un gros sanglier que l’on prend pour le diable ; les prêtres, — en tout temps prêts à tirer parti des faiblesses des âmes timorées et maladives, à changer en miracles, en prodiges les événements les plus communs, — accourent le goupillon à la main, commencent leurs exercices, leurs tours de jongleurs. Le sanglier a jugé à propos d’émigrer, on attribue sa disparition à l’eau bénite et aux patenôtres, — cela va sans dire, — l’Église enregistre un miracle de plus, et les fidèles s’abandonnent à la jubilation.

Dans cette affaire le clergé n’eut pas à déployer une bien grande habileté, les choses allèrent à souhait.

Bref, le sire de Langin fonda sur la montagne un ora-