Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/375

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— Vous me mènerez à Rolle.

— La distance est plus grande...

— Je le sais ; votre salaire sera plus grand.

— Monsieur, je ne me charge pas de vous conduire à Rolle par le temps qu’il fait.

— Eh ! bien, conduisez-moi à Nyon.

— Je vais préparer ma barque, déplier ma voile et prendre de bons avirons.

— Faites diligence, mon brave homme.

Le pêcheur me le promit, c’est pourquoi je l’attendis une grande heure et demie pour le moins.

Au bout de ce temps il me dépêcha son fils qui devait ramer avec lui, je descendis à la rive et m’embarquai.

Le lac était houleux et d’un gris terne, le ciel noir et le vent assez fort.

Je m’étendis tout de mon long sur un banc, je pris pour oreiller mon havre-sac, et m’enveloppai de mon manteau.

La traversée dura deux heures, je n’ouvris presque pas la bouche, et restai dans un état de somnolence produit par la fatigue, le bruit régulier des rames et les rêveries où me jetait cette navigation nocturne et insolite ; j’éprouvais une sorte de vertige quand, baissant la tête, je voyais se succéder avec rapidité les vagues du lac qui nous ballottaient, et quand, la levant, je contemplais celles du firmament, c’est-à-dire les nuages qui se pres-