Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/385

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même temps, du Chablais, une ruine héroïque, féodale, un lieu de pèlerinages dévôts, un oratoire de vœux au milieu de l’enceinte croulante d’une vaste place d’armes.

Mon premier soin a été, après avoir pris un peu de repos à l’Hôtel de l’Europe, de me diriger vers les Allinges, car je savais d’avance que Thonon n’offre rien de bien intéressant aux voyageurs.

Un chemin comme je les aime, qui passe près d’un moulin mu par d’abondantes eaux vives, m’a conduit en fort peu de temps au village des Allinges, situé presque au pied du monticule de ce nom, et qui est à demi caché sous d’épaisses feuillées. Une niche à madone m’a indiqué la voie qui conduit au sommet de la sainte montagne (comme on dit ici).

Chemin faisant, j’ai rencontré deux prêtres de campagne qui apparemment descendaient de la chapelle ; ils s’avançaient l’air hautain, la mine impérieuse, l’œil investigateur et dur, et leur regard semblait me dire :

— Salue-nous humblement !

J’ai passé sans me découvrir, car si je déteste les dehors arrogants, c’est surtout chez ceux qui se donnent pour ministres du Christ humble et doux.

Dans ces fortunées contrées les jésuites ont en main le pouvoir, ils règnent sur le souverain et par conséquent sur ses sujets ; pas n’est besoin de feindre, de dissimuler, de se déguiser, de louvoyer, de se frayer des routes