Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/411

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Monstrelet dit, au rebours de Paradin, qu’Amé de Savoie, retrait à Ripaille, menait une vie aucunement solitaire, et il dit vrai.

Là, nos chevaliers enfroqués avaient de gras troupeaux, d’excellents fruits, de copieuses moissons, des celliers où on laissait vieillir les vins des meilleurs crus de Crépy ; le lac fournissait à la table cénobitique la lotte, la truite et d’autres poissons délicats ; la montagne était trop proche pour que le gibier et la venaison pussent manquer.

Les mœurs de ces ermites n’ont jamais été l’objet d’attaques sérieuses, et les bruits répandus par un rival du duc ayant un grand intérêt à lui nuire, à le noircir, doivent nous être fort suspects. — Je reviendrai sur ces bruits et sur leur auteur.

Plusieurs historiens du temps louent à l’envi la piété, la continence et les exemplaires vertus d’Amédée VIII.

Tu dois te rappeler, cher Émile, ces vers de Voltaire (Épître au Lac de Genève), pièce déjà citée à propos de Ferney :

Au bord de cette mer ou s’égarent mes yeux,
Ripaille, je te vois. Ô bizarre Amédée !
        Est-il vrai que dans ces beaux lieux,
Des soins et des grandeurs écartant toute idée,
Tu vécus en vrai sage, en vrai voluptueux,
Et que lassé bientôt de ton doux ermitage,
Tu voulus être pape et cessas d’être sage ?