Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/47

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au dix-huitième siècle furent peints de la même manière, sous la direction du Génevois Huber : le prince de Ligne jouant dans la belle Maguelonne ; — la marquise de Champcenetz, si belle, que le duc de Choiseul aurait voulu faire d’elle une rivale de madame Dubarry ; — une autre belle lausannoise, madame de Corcelles, faisant de la musique avec Pugnani, le Paganini de ce temps-là, dont le profil excentrique contraste avec la rondeur de son voisin, Crousaz la Basse, l’un des amateurs lausannois ; — un autre Crousaz, vrai type de chasseur bourru, et qui, toujours mécontent, toujours grondant, partait en tapinois, ses deux chiens bassets dans son sac, d’où il ne les tirait mystérieusement que dans un endroit solitaire et lorsqu’il était sur la trace du gibier ; — plusieurs officiers en semestre et venus de Nyon, de Lausanne, un peu de tous les côtés : quels joyeux camarades ! quels francs rires ! quelles bonnes chansons ! Voyez-les accoudés sur l’herbe où le déjeûner est servi, et, à leurs pieds, ce magnifique rang de bouteilles qui attend immobile dans le ruisseau. Enfin, il n’est pas jusqu’à la gouvernante et jusqu’à la fermière, paysanne aux grands yeux noirs, dont la belle tête est encadrée de l’ancienne guimpe nationale, qui n’aient aussi leur place sur cette précieuse boiserie historique. M. de Constant, le fils de l’ami de Voltaire, l’a fait transporter à son château de Mézery, dont elle orne la salle à manger. »