Ne me sais-tu pas gré, cher ami, de t’envoyer cette charmante note ? J’ai préféré la transcrire textuellement que de t’en donner une succincte analyse.
Voltaire menait une vie fort mondaine, il était choyé par chacun, et il choyait chacun : les invitations se succédaient à de courts intervalles ; on venait à Monrion, on y passait quelquefois la nuit en fête, en folâtreries, en bombances, et les baillis bernois eux-mêmes s’y rendaient comme pour secouer leur flegme magistral, leur gravité germanique. Mais quand Voltaire eut quitté pour toujours Lausanne et se fut retiré à Ferney, où il sembla vouloir faire pénitence de ses plaisirs helvétiques et où l’attendait la maladie, la société dont il était l’âme se trouva dissoute, le goût de la littérature dramatique se refroidit beaucoup s’il ne se perdit point totalement, et M. J. Olivier dit qu’aujourd’hui le beau monde ne se pique guère de beau langage, — je m’en suis bien aperçu. — Arouet eut des démêlés avec un libraire de l’endroit, nommé Grasset, — je ne t’en parle que pour mémoire, — et découvrit les lettres d’Aïssé la Circassienne, intéressante esclave rachetée, qui, après s’être prostituée aux grands seigneurs de la cour de France en compagnie de madame de Tencin et des merveilleuses de la Régence, se purifia par un amour ardent pour le chevalier d’Aydie, et sut résister aux avances d’un très haut et très puissant personnage. Ces missives avaient été