Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/165

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— D’Angoulême, Beaufort, c’est bien ennuyeux, n’est-il pas vrai ? nous restons là comme des momies.

Charles de Valois s’approcha et dit :

— Il me semble, Sire, que l’on n’a pas employé ici les machines de l’ingénieur Pompée-Targon.

— Parbleu, dit le duc de Beaufort en regardant fixement Richelieu, c’est que nous aimions beaucoup mieux prendre la Rochelle que Perpignan, dans le temps où vint cet Italien. Ici pas une machine préparée, pas une mine, un pétard sous ces murailles, et le maréchal de La Meilleraie m’a dit ce matin qu’il avait proposé d’en faire approcher pour ouvrir la tranchée. Ce n’était ni le Castillet, ni ces six grands bastions de l’enveloppe, ni la demi-lune qu’il fallait attaquer. Si nous allons ce train, le grand bras de pierre de la citadelle nous montrera le poing longtemps encore.

Le Cardinal, toujours immobile, ne dit pas une seule parole, il fit seulement signe à Fabert de s’approcher ; celui-ci sortit du groupe qui le suivait, et rangea son cheval derrière celui de Richelieu, près du capitaine de ses gardes.

Le duc de La Rochefoucauld, s’approchant du Roi, prit la parole :

— Je crois, Sire, que notre peu d’action à ouvrir la brèche donne de l’insolence à ces gens-là, car voici une sortie nombreuse qui se dirige justement vers Votre Majesté ; les régiments de Biron et de Ponts se replient en faisant leurs feux.

— Eh bien, dit le Roi tirant son épée, chargeons-les, et faisons rentrer ces coquins chez eux ; lancez la cavalerie avec moi, d’Angoulême. Où est-elle, Cardinal ?

— Derrière cette colline, Sire, sont en colonne six régiments de dragons et les carabins de La Roque ; vous voyez en bas mes Gens d’armes et mes Chevau-légers,