Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/172

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ces cavaliers ; c’est pourquoi j’osais dire au Roi tout à l’heure que si l’on supprimait ces corps inutiles il pourrait en résulter de grands avantages, militairement parlant.

— Pardieu, Votre Éminence me pardonnera, reprit le duc de Beaufort, mais je ne me trompe point, et en voici sept ou huit à pied qui poussent devant eux des prisonniers.

— Eh bien, allons donc visiter ce point, dit le Roi avec nonchalance ; si j’y retrouve mon vieux Coislin, j’en serai bien aise.

Il fallut suivre.

Ce fut avec de grandes précautions que les chevaux du Roi et de sa suite passèrent à travers le marais et les débris, mais ce fut avec un grand étonnement qu’on aperçut en haut les deux Compagnies Rouges en bataille comme un jour de parade.

— Vive Dieu ! cria Louis XIII, je crois qu’il n’en manque pas un. Eh bien, marquis, vous tenez parole, vous prenez des murailles à cheval.

— Je crois que ce point a été mal choisi, dit Richelieu d’un air de dédain ; il n’avance en rien la prise de Perpignan, et a dû coûter du monde.

— Ma foi, vous avez raison, dit le Roi (adressant pour la première fois la parole au Cardinal avec un air moins sec, depuis l’entrevue qui suivit la nouvelle de la mort de la Reine), je regrette le sang qu’il a fallu verser ici.

— Il n’y a eu, Sire, que deux de nos jeunes gens blessés à cette attaque, dit le vieux Coislin, et nous y avons gagné de nouveaux compagnons d’armes dans les volontaires qui nous ont guidés.

— Qui sont-ils ? dit le prince.

— Trois d’entre eux se sont retirés modestement, Sire ; mais le plus jeune, que vous voyez, était le premier à l’as-