Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/173

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saut, et m’en a donné l’idée. Les deux Compagnies réclament l’honneur de le présenter à Votre Majesté.

Cinq-Mars, à cheval derrière le vieux capitaine, ôta son chapeau, et découvrit sa jeune et pâle figure, ses grands yeux noirs, et ses longs cheveux bruns.

— Voilà des traits qui me rappellent quelqu’un, dit le Roi ; qu’en dites-vous, Cardinal ?

Celui-ci avait déjà lancé un coup d’œil pénétrant sur le nouveau venu, et dit :

— Je me trompe, ou ce jeune homme est…

— Henry d’Effiat, dit à haute voix le volontaire en s’inclinant.

— Comment donc, Sire, c’est lui-même que j’avais annoncé à Votre Majesté, et qui devait lui être présenté de ma main ; le second fils du maréchal.

— Ah ! dit Louis XIII avec vivacité, j’aime à le voir présenté par ce bastion. Il y a bonne grâce, mon enfant, à l’être ainsi quand on porte le nom de notre vieil ami. Vous allez nous suivre au camp, où nous avons beaucoup à vous dire. Mais que vois-je ! vous ici, monsieur de Thou ? qui êtes-vous venu juger ?

— Je crois, Sire, répondit Coislin, qu’il a plutôt condamné à mort quelques Espagnols, car il est entré le second dans la place.

— Je n’ai frappé personne, monsieur, interrompit de Thou en rougissant ; ce n’est point mon métier ; ici je n’ai aucun mérite, j’accompagnais M. de Cinq-Mars, mon ami.

— Nous aimons votre modestie autant que cette bravoure, et nous n’oublierons pas ce trait. Cardinal, n’y a-t-il pas quelque présidence vacante ?

Richelieu n’aimait pas M. de Thou ; et, comme ses haines avaient toujours une cause mystérieuse, on en cherchait la cause vainement ; elle se dévoila par un mot