Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/234

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— Je ne sais rien de tout ceci et n’ai rien autorisé ; je ne veux rien entendre, je ne veux rien savoir ; je n’entrerai jamais dans aucun projet ; ce sont des factieux qui font tout ce bruit : ne m’en parlez pas si vous voulez être bien vus ici ; je ne suis l’ennemi de personne, je déteste de telles scènes…

Fontrailles, qui savait à quel homme il avait affaire, ne répondit rien, et entra avec son ami, mais sans se presser, afin que Monsieur eût le temps de jeter son premier feu ; et, quand tout fut dit et la porte fermée avec soin, il prit la parole :

— Monseigneur, dit-il, nous venons vous demander mille pardons de l’impertinence de ce peuple, qui ne cesse de crier qu’il veut la mort de votre ennemi, et qu’il voudrait même vous voir Régent si nous avions le malheur de perdre sa majesté ; oui, le peuple est toujours libre dans ses propos ; mais il était si nombreux, que tous nos efforts n’ont pu le contenir : c’était le cri du cœur dans toute sa vérité ; c’était une explosion d’amour que la froide raison n’a pu réprimer, et qui sortait de toutes les règles.

— Mais enfin que s’est-il passé ? reprit Gaston un peu calmé : qu’ont-ils fait depuis quatre heures que je les entends ?

— Cet amour, continua froidement Montrésor, comme M. de Fontrailles a l’honneur de vous le dire, sortait tellement des règles et des bornes, qu’il nous a entraînés nous-mêmes, et nous nous sommes sentis saisis de cet enthousiasme qui nous transporte toujours au nom seul de Monsieur, et qui nous a portés à des choses que nous n’avions pas préméditées.

— Mais enfin, qu’avez-vous fait ? reprit le prince…

— Ces choses, reprit Fontrailles, dont M. de Montrésor a l’honneur de parler à Monsieur, sont précisément de