Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/233

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Cependant les appartements de Gaston d’Orléans étaient dans une grande rumeur. Ce prince occupait alors l’aile du Louvre parallèle aux Tuileries, et ses fenêtres donnaient d’un côté sur la cour, et de l’autre sur un amas de petites maisons et de rues étroites qui couvraient la place presque en entier. Il s’était levé précipitamment, réveillé en sursaut par le bruit des armes à feu, avait jeté ses pieds dans de larges mules carrées, à hauts talons, et, enveloppé dans une vaste robe de chambre de soie couverte de dessins d’or brodés en relief, se promenait en long et en large dans sa chambre à coucher, envoyant, de minute en minute, un laquais nouveau pour demander ce qui se passait, et s’écriant qu’on courût chercher l’abbé de La Rivière, son conseil accoutumé ; mais, par malheur, il était sorti de Paris. À chaque coup de pistolet ce prince timide courait aux fenêtres, sans rien voir autre chose que quelques flambeaux que l’on portait en courant ; on avait beau lui dire que les cris qu’il entendait étaient en sa faveur, il ne cessait de se promener par les appartements, dans le plus grand désordre, ses longs cheveux noirs et ses yeux bleus ouverts et agrandis par l’inquiétude et l’effroi ; il était moitié nu lorsque Montrésor et Fontrailles arrivèrent enfin, et le trouvèrent se frappant la poitrine et répétant mille fois : Mea culpa, mea culpa.

— Eh bien, arrivez donc ! leur cria-t-il de loin, courant au-devant d’eux ; arrivez donc enfin ! que se passe-t-il ? que fait-on là ? quels sont ces assassins ? quels sont ces cris ?

— On crie : Vive Monsieur !

Gaston, sans faire semblant d’entendre, et tenant un instant la porte de sa chambre ouverte pour que sa voix pénétrât jusque dans les galeries où étaient les gens de sa maison, continua en criant de toute sa force et en gesticulant :