— Le hasard, répondit Montrésor, m’a fait trouver cet habit du peuple que Monsieur peut voir sous mon manteau, et que j’ai préféré à tout autre par ce motif.
Gaston respira.
— Vous êtes bien sûr qu’on ne vous a pas reconnu ? dit-il ; c’est que vous sentez, mon cher ami, combien ce serait pénible… convenez-en vous-même…
— Si j’en suis sûr, ô ciel ! s’écria le gentilhomme du prince : je gagerais ma tête et ma part du Paradis que personne n’a vu mes traits et ne m’a appelé par mon nom.
— Eh bien, continua Gaston, se rasseyant sur son lit et prenant un air plus calme, et même où brillait une légère satisfaction, contez-moi donc un peu ce qui s’est passé.
Fontrailles se chargea du récit, où, comme l’on pense, le peuple jouait un grand rôle, et les gens de Monsieur aucun ; et, dans sa péroraison, il ajouta, entrant dans les détails : — On a pu voir, de vos fenêtres mêmes, monseigneur, de respectables mères de famille, poussées par le désespoir, jeter leurs enfants dans la Seine en maudissant Richelieu.
— Ah ! c’est épouvantable ! s’écria le prince indigné ou feignant de l’être et de croire à ces excès. Il est donc bien vrai qu’il est détesté si généralement ? mais il faut convenir qu’il le mérite ! Quoi ! son ambition et son avarice ont réduit là ces bons habitants de Paris que j’aime tant !
— Oui, monseigneur, reprit l’orateur ; et ici ce n’est pas Paris seulement, c’est la France entière qui vous supplie avec nous de vous décider à la délivrer de ce tyran ; tout est prêt ; il ne faut qu’un signe de votre tête auguste pour anéantir ce pygmée, qui a tenté l’abaissement de la maison royale elle-même.