Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/302

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un signe de tête. Toute l’ancienne ligue des princes de la Paix existe encore, Sire, et ce n’est que le respect dû au choix de Votre Majesté qui l’empêche d’éclater.

— Ah ! bon Dieu ! tu peux leur dire qu’ils ne s’arrêtent pas pour moi ; je ne les gêne point, ce n’est pas moi qu’on accusera d’être Cardinaliste. Si mon frère veut me donner le moyen de remplacer Richelieu, ce sera de tout mon cœur.

— Je crois, Sire, qu’il vous parlera aujourd’hui de M. le duc de Bouillon ; tous les Royalistes le demandent.

— Je ne le hais point, dit le Roi en arrangeant l’oreiller de son fauteuil, je ne le hais point du tout, quoique un peu factieux. Nous sommes parents, sais-tu, cher ami (et il mit à cette expression favorite plus d’abandon qu’à l’ordinaire) ? sais-tu qu’il descend de saint Louis de père en fils, par Charlotte de Bourbon, fille du duc de Montpensier ? sais-tu que sept princesses du sang sont entrées dans sa maison, et que huit de la sienne, dont l’une a été reine, ont été mariées à des princes du sang ? Oh ! je ne le hais point du tout ; je n’ai jamais dit cela, jamais.

— Eh bien, Sire, dit Cinq-Mars avec confiance, Monsieur et lui vous expliqueront, pendant la chasse, comment tout est préparé, quels sont les hommes que l’on pourra mettre à la place de ses créatures, quels sont les mestres de camp et les colonels sur lesquels on peut compter contre Fabert et tous les Cardinalistes de Perpignan. Vous verrez que le ministre a bien peu de monde à lui. La Reine, Monsieur, la Noblesse et les Parlements sont de notre parti ; et c’est une affaire faite dès que Votre Majesté ne s’oppose plus. On a proposé de faire disparaître Richelieu comme le maréchal d’Ancre, qui le méritait moins que lui.

— Comme Concini ! dit le Roi. Oh ! non, il ne le faut pas… je ne le veux vraiment pas… Il est prêtre et car-