Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/315

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— À quoi de plus important ? dit Fontrailles ; cela peut être d’un grand poids dans la balance de nos destins.

— Je cherche combien y pèse le cœur d’un Roi, reprit Cinq-Mars.

— Vous m’épouvantez moi-même, répondit le gentilhomme ; nous n’en demandons pas tant.

— Je n’en dis pas tant non plus que vous croyez, monsieur, continua d’Effiat d’une voix sévère ; ils se plaignent quand un sujet les trahit : c’est à quoi je songe. Eh bien, la guerre ! la guerre ! Guerres civiles, guerres étrangères, que vos fureurs s’allument ! puisque je tiens la flamme, je vais l’attacher aux mines. Périsse l’État, périssent vingt royaumes s’il le faut ! il ne doit pas arriver des malheurs ordinaires lorsque le Roi trahit le sujet. Écoutez-moi.

Et il emmena Fontrailles à quelques pas.

— Je ne vous avais chargé que de préparer notre retraite et nos secours en cas d’abandon de la part du Roi. Tout à l’heure je l’avais pressenti à cause de ses amitiés forcées, et je m’étais décidé à vous faire partir, parce qu’il a fini sa conversation par nous annoncer son départ pour Perpignan. Je craignais Narbonne ; je vois à présent qu’il y va se rendre comme prisonnier au Cardinal. Partez, et partez sur-le-champ. J’ajoute aux lettres que je vous ai données le traité que voici ; il est sous des noms supposés, mais voici la contre-lettre ; elle est signée de Monsieur, du duc de Bouillon et de moi. Le comte-duc d’Olivarès ne désire que cela. Voici encore des blancs du duc d’Orléans que vous remplirez comme vous le voudrez. Partez, dans un mois je vous attends à Perpignan, et je ferai ouvrir Sedan aux dix-sept mille Espagnols sortis de Flandre.

Puis marchant vers l’aventurier qui l’attendait :

— Pour vous, mon brave, puisque vous voulez faire