Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/327

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discours, lorsque le bruit de la musique, des guitares et des flûtes, qui jouaient des menuets, des sarabandes, des allemandes et des danses espagnoles que la jeune Reine avait mises à la mode, le passage continuel des groupes de jeunes femmes et leurs éclats de rire, tout annonça qu’un bal commençait. Une très-jeune et belle personne, tenant un grand éventail comme un sceptre, et entourée de dix jeunes gens, entra dans leur petit salon retiré, avec sa cour brillante, qu’elle dirigeait comme une reine, et acheva de mettre en déroute les studieux causeurs.

— Adieu, messieurs, dit de Thou : je cède la place à mademoiselle de Lenclos et à ses mousquetaires.

— Vraiment, messieurs, dit la jeune Ninon, vous faisons-nous peur ? vous ai-je troublés ? vous avez l’air de conspirateurs !

— Nous le sommes peut-être plus que ces messieurs, tout en dansant ! dit Olivier d’Entraigues qui lui donnait la main.

— Oh ! votre conjuration est contre moi, monsieur le page, répondit Ninon, tout en regardant un autre chevau-léger et abandonnant à un troisième le bras qui lui restait, tandis que les autres cherchaient à se placer sur le chemin de ses œillades errantes ; car elle promenait sur eux ses regards brillants comme la flamme légère que l’on voit courir sur l’extrémité des flambeaux qu’elle allume tour à tour.

De Thou s’esquiva sans que personne songeât à l’arrêter, et descendait le grand escalier, lorsqu’il y vit monter le petit abbé de Gondi, tout rouge, en sueur et essoufflé, qui l’arrêta brusquement avec un air animé et joyeux.

— Eh bien ! eh bien ! où allez-vous donc ? laissez aller les étrangers et les savants, vous êtes des nôtres. J’ar-