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Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/328

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rive un peu tard, mais notre belle Aspasie me pardonnera. Pourquoi donc vous en allez-vous ? est-ce que tout est fini ?

— Mais il paraît que oui ; puisque l’on danse, la lecture est faite.

— La lecture, oui ; mais les serments ? dit tout bas l’abbé.

— Quels serments ? dit de Thou.

— M. le Grand n’est-il pas venu ?

— Je croyais le voir ; mais je pense qu’il n’est pas venu ou qu’il est parti.

— Non, non, venez avec moi, dit l’étourdi, vous êtes des nôtres, parbleu ! Il est impossible que vous n’en soyez pas, venez.

De Thou, n’osant refuser et avoir l’air de renier ses amis, même pour des parties de plaisir qui lui déplaisaient, le suivit, ouvrit deux cabinets et descendit un petit escalier dérobé. À chaque pas qu’il faisait, il entendait plus distinctement des voix d’hommes assemblés. Gondi ouvrit la porte. Un spectacle inattendu s’offrit à ses yeux.

La chambre où il entrait, éclairée par un demi-jour mystérieux, semblait l’asile des plus voluptueux rendez-vous ; on voyait d’un côté un lit doré, chargé d’un dais de tapisseries, empanaché de plumes, couvert de dentelles et d’ornements ; tous les meubles, ciselés et dorés, étaient d’une soie grisâtre richement brodée, des carreaux de velours s’étendaient aux pieds de chaque fauteuil sur d’épais tapis. De petits miroirs, unis l’un à l’autre par des ornements d’argent, simulaient une glace entière, perfection alors inconnue, et multipliaient partout leurs facettes étincelantes. Nul bruit extérieur ne pouvait parvenir dans ce lieu de délices ; mais les gens qu’il rassemblait paraissaient bien éloignés des pensées qu’il pouvait