Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/344

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à sa place accoutumée. Le soin qu’il avait d’empêcher toute surprise le fit rester lui-même à garder cette entrée jusqu’à l’arrivée de Marie : heureux de voir l’exactitude du bon abbé, il ne voulut pourtant pas quitter son poste pour l’en aller remercier. C’était un second père pour lui, à cela près de l’autorité, et il agissait avec ce bon prêtre sans beaucoup de cérémonie.

La vieille paroisse de Saint-Eustache était obscure ; seulement, avec la lampe perpétuelle, brûlaient quatre flambeaux de cire jaune, qui, attachés au-dessus des bénitiers, contre les principaux piliers, jetaient une lueur rouge sur les marbres bleus et noirs de la basilique déserte. La lumière pénétrait à peine dans les niches enfoncées des ailes du pieux bâtiment. Dans l’une de ces chapelles, et la plus sombre, était ce confessionnal, dont une grille de fer assez élevée, et doublée de planches épaisses, ne laissait apercevoir que le petit dôme et la croix de bois. Là s’agenouillèrent, de chaque côté, Cinq-Mars et Marie de Mantoue ; ils ne se voyaient qu’à peine, et trouvèrent que, selon son usage, l’abbé Quillet, assis entre eux, les avait attendus depuis longtemps. Ils pouvaient entrevoir, à travers les petits grillages, l’ombre de son camail. Henri d’Effiat s’était approché lentement ; il venait arrêter et régler, pour ainsi dire, le reste de sa destinée. Ce n’était plus devant son Roi qu’il allait paraître, mais devant une souveraine plus puissante, devant celle pour laquelle il avait entrepris son immense ouvrage. Il allait éprouver sa foi et tremblait.

Il frémit surtout lorsque sa jeune fiancée fut agenouillée en face de lui ; il frémit parce qu’il ne put s’empêcher, à l’aspect de cet ange, de sentir tout le bonheur qu’il pourrait perdre ; il n’osa parler le premier, et demeura encore un instant à contempler sa tête dans l’ombre, cette jeune tête sur laquelle reposaient toutes