Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/348

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d’Effiat ; votre élève ne frappera jamais de tels coups. Ils s’entendront de loin, ceux que je prépare, et le grand jour les éclairera ; mais il me reste un devoir à remplir, un devoir sacré : voyez votre enfant s’immoler devant vous. Hélas ! je n’ai pas vécu longtemps pour le bonheur ; je viens le détruire peut-être, par votre main, la même qui l’avait consacré.

Il ouvrit, en parlant ainsi, le léger grillage qui le séparait de son vieux gouverneur ; celui-ci, gardant toujours un silence surprenant, avança le camail sur son front.

— Rendez, dit Cinq-Mars d’une voix moins ferme, rendez cet anneau nuptial à la duchesse de Mantoue ; je ne puis le garder qu’elle ne me le donne une seconde fois, car je ne suis plus le même qu’elle promit d’épouser.

Le prêtre saisit brusquement la bague et la passa au travers des losanges du grillage opposé ; cette marque d’indifférence étonna Cinq-Mars.

— Eh quoi ! mon père, dit-il, êtes-vous aussi changé ?

Cependant Marie ne pleurait plus ; mais élevant sa voix angélique qui éveilla un faible écho le long des ogives du temple, comme le plus doux soupir de l’orgue, elle dit :

— Ô mon ami ! ne soyez plus en colère, je ne vous comprends pas ; pouvons-nous rompre ce que Dieu vient d’unir, et pourrais-je vous quitter quand je vous sais malheureux ! Si le Roi ne vous aime plus, du moins vous êtes assuré qu’il ne viendra pas vous faire du mal, puisqu’il n’en a pas fait au Cardinal, qu’il n’a jamais aimé. Vous croyez-vous perdu parce qu’il n’aura pas voulu peut-être se séparer de son vieux serviteur ? Eh bien, attendons le retour de son amitié ; oubliez ces conspirateurs qui m’effrayent. S’ils n’ont plus d’espoir, j’en remercie Dieu, je ne tremblerai plus pour vous. Qu’avez-vous donc, mon ami, et pourquoi nous affliger inutile-