Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/395

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et, pour faciliter l’explosion de ces importants aveux, il accumula les protestations qu’il croyait les plus propres à impatienter le Roi.

— Non, non, s’écria enfin celui-ci, je ne croirai rien tant que vous ne m’aurez pas expliqué ces deux choses qui me reviennent toujours à l’esprit, et dont on me parlait dernièrement encore, et que je ne puis justifier par aucun raisonnement : je veux dire le procès d’Urbain Grandier, dont je ne fus jamais bien instruit, et les motifs de votre haine pour ma malheureuse mère, et même contre sa cendre.

— N’est-ce que cela, Sire ? dit Richelieu. Sont-ce là mes seules fautes ? Elles sont faciles à expliquer. La première affaire devait être soustraite aux regards de Votre Majesté par ses détails horribles et dégoûtants de scandale. Il y eut, certes, un art qui ne peut être regardé comme coupable à nommer magie des crimes dont le nom révolte la pudeur, dont le récit eût révélé à l’innocence de dangereux mystères ; ce fut une sainte ruse, pour dérober aux yeux des peuples ces impuretés…

— Assez, c’en est assez, Cardinal, dit Louis XIII, détournant la tête et baissant les yeux en rougissant ; je ne puis en entendre davantage ; je vous conçois, ces tableaux m’offenseraient ; j’approuve vos motifs, c’est bon. On ne m’avait pas dit cela ; on m’avait caché ces vices affreux. Vous êtes-vous assuré des preuves de ces crimes ?

— Je les eus toutes entre les mains, Sire ; et quant à la glorieuse Reine Marie de Médicis, je suis étonné que Votre Majesté oublie combien je lui fus attaché. Oui, je ne crains pas de l’avouer, c’est à elle que je dus toute mon élévation ; elle daigna la première jeter les yeux sur l’évêque de Luçon, qui n’avait alors que vingt-deux ans, pour l’approcher d’elle. Combien j’ai souffert lorsqu’elle me força de la combattre dans l’intérêt de Votre Majesté !