pour lui, et se décidèrent à l’humanité quand il finit par ces paroles prononcées à voix basse :
— Je connais leurs secrets ; nous n’avons pas besoin de les savoir, parce qu’ils sont inutiles et qu’ils vont trop haut. M. le Grand n’a à dénoncer que le Roi, et l’autre la Reine ; c’est ce qu’il vaut mieux ignorer. D’ailleurs, ils ne parleraient pas ; je les connais, ils se tairaient, l’un par orgueil, l’autre par piété. Laissons-les : la torture les blessera ; ils seront défigurés et ne pourront plus marcher ; cela gâtera toute la cérémonie ; il faut les conserver pour paraître.
Cette dernière considération prévalut : les juges se retirèrent pour aller délibérer avec le chancelier. En sortant, Joseph dit à Laubardemont :
— Je vous ai laissé assez de plaisir ici : maintenant vous allez avoir encore celui de délibérer, et vous irez interroger trois prévenus dans la tour du Nord.
C’étaient les trois juges d’Urbain Grandier.
Il dit, rit aux éclats, et sortit le dernier, poussant devant lui le maître des requêtes ébahi.
À peine le sombre tribunal eut-il défilé, que Grandchamp, délivré de ses deux estafiers, se précipita vers son maître, et, lui saisissant la main, lui dit :
— Au nom du ciel, venez sur la terrasse, monseigneur, je vous montrerai quelque chose ; au nom de votre mère, venez…
Mais la porte s’ouvrit au vieil abbé Quillet presque dans le même instant.
— Mes enfants ! mes pauvres enfants ! criait le vieillard en pleurant ; hélas ! pourquoi ne m’a-t-on permis d’entrer qu’aujourd’hui ? Cher Henry, votre mère, votre frère, votre sœur, sont ici cachés…
— Taisez-vous, monsieur l’abbé, disait Grandchamp ; venez sur la terrasse, monseigneur.