Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/424

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais le vieux prêtre retenait son élève en l’embrassant.

— Nous espérons, nous espérons beaucoup la grâce.

— Je la refuserais, dit Cinq-Mars.

— Nous n’espérons que les grâces de Dieu, reprit de Thou.

— Taisez-vous, interrompit encore Grandchamp, les juges viennent.

En effet, la porte s’ouvrit encore à la sinistre procession, où Joseph et Laubardemont manquaient.

— Messieurs, s’écria le bon abbé s’adressant aux commissaires, je suis heureux de vous dire que je viens de Paris, que personne ne doute de la grâce de tous les conjurés. J’ai vu, chez Sa Majesté, Monsieur lui-même, et quant au duc de Bouillon, son interrogatoire n’est pas défav…

— Silence ! dit M. de Ceton, lieutenant des Gardes écossaises.

Et les quatorze commissaires rentrèrent et se rangèrent de nouveau dans la chambre.

M. de Thou, entendant que l’on appelait le greffier criminel du présidial de Lyon pour prononcer l’arrêt, laissa éclater involontairement un de ces transports de joie religieuse qui ne se virent jamais que dans les martyrs et les saints aux approches de la mort ; et s’avançant au-devant de cet homme, il s’écria :

Quam speciosi pedes evangelizantium pacem, evangelizantium bona !

Puis, prenant la main de Cinq-Mars, il se mit à genoux et tête nue pour entendre l’arrêt, ainsi qu’il était ordonné. D’Effiat demeura debout, mais on n’osa le contraindre.

L’arrêt leur fut prononcé en ces mots :


« Entre le procureur général du Roi, demandeur en cas de crime de lèse-majesté, d’une part ;