Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/436

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— Ah ! interrompit une autre, tu ne vois pas que c’est quelque gentilhomme déguisé ? Regarde ses mains blanches : ça n’a jamais travaillé.

— Oui, oui, c’est quelque petit conspirateur dameret ; j’ai bien envie d’aller chercher M. le Chevalier du Guet pour le faire arrêter.

L’abbé de Gondi sentit tout le danger de cette situation, et, se jetant d’un air de colère sur Olivier, avec toutes les manières d’un menuisier dont il avait pris le costume et le tablier, il s’écria en le saisissant au collet :

— Vous avez raison : c’est un petit drôle qui ne travaille jamais. Depuis deux ans que mon père l’a mis en apprentissage, il n’a fait que peigner ses cheveux blonds pour plaire aux petites filles. Allons, rentre à la maison !

Et, lui donnant des coups de latte, il lui fit percer la foule et revint se placer sur un autre point de la haie. Après avoir tancé le page étourdi, il lui demanda la lettre qu’il disait avoir à remettre à M. de Cinq-Mars quand il serait évadé. Olivier l’avait depuis deux mois dans sa poche, et la lui donna.

— C’est d’un prisonnier à un autre, dit-il ; car le chevalier de Jars, en sortant de la Bastille, me l’a envoyée de la part d’un de ses compagnons de captivité.

— Ma foi ! dit Gondi, il peut y avoir quelque secret important pour notre ami ; je la décachète, vous auriez dû y penser plus tôt.

— Ah ! bah ! c’est du vieux Bassompierre. Lisons :


« Mon cher enfant,


« J’apprends du fond de la Bastille, où je suis encore, que vous voulez conspirer contre ce tyran de Richelieu, qui ne cesse d’humilier notre bonne vieille Noblesse