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genoux, chacun d’eux portant la main à sa ceinture ou dans son sein et serrant de près le soldat qu’il devait poignarder.

— Que fait-il ? dit le chartreux ; a-t-il son chapeau sur la tête ?

— Il jette son chapeau à terre loin de lui, dit paisiblement l’arquebusier qu’il interrogeait.


CHAPITRE XXVI

la fête


Mon Dieu ! qu’est-ce que ce monde ?
Dernières paroles de M. Cinq-Mars.


Le jour même du cortège sinistre de Lyon, et durant les scènes que nous venons de voir, une fête magnifique se donnait à Paris, avec tout le luxe et le mauvais goût du temps. Le puissant Cardinal avait voulu remplir à la fois de ses pompes les deux premières villes de France.

Sous le nom d’ouverture du Palais-Cardinal, on annonça cette fête donnée au Roi et à toute la cour. Maître de l’empire par la force, il voulut encore l’être des esprits par la séduction, et, las de dominer, il espéra plaire. La tragédie de Mirame allait être représentée dans une salle construite exprès pour ce grand jour : ce qui éleva les frais de cette soirée, dit Pélisson, à trois cent mille écus.

La garde entière du premier ministre[1] était sous les

  1. Le Roi donna au Cardinal, en 1626, une garde de deux cents arquebusiers ; en 1632, quatre cents mousquetaires à pied ; en 1638, deux compagnies de Gens d’armes et de Chevau-légers furent formées par lui.