Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/440

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d’argent, des bottines grisâtres à talons rouges, où s’attachaient des éperons d’or ; un manteau d’écarlate chargé de boutons d’or, tout rehaussait la grâce de sa taille élégante et souple. Il saluait à droite et à gauche de la haie avec un sourire mélancolique.

Un vieux domestique, avec des moustaches et une barbe blanches, suivait, le front baissé, tenant en main deux chevaux de bataille caparaçonnés.

Les jeunes demoiselles se taisaient ; mais elles ne purent retenir leurs sanglots en les voyant.

— C’est donc ce pauvre vieillard qu’on mène à la mort ? s’écrièrent-elles ; ses enfants le soutiennent.

— À genoux ! mesdames, dit une religieuse, et priez pour lui.

— À genoux ! cria Gondi, et prions que Dieu les sauve.

Tous les conjurés répétèrent : — À genoux ! à genoux ! et donnèrent l’exemple au peuple, qui les imita en silence.

— Nous pouvons mieux voir ses mouvements à présent, dit tout bas Gondi à Montrésor : levez-vous ; que fait-il ?

— Il est arrêté et parle de notre côté en nous saluant : je crois qu’il nous reconnaît.

Toutes les maisons, les fenêtres, les murailles, les toits, les échafauds dressés, tout ce qui avait vue sur la place était chargé de personnes de toute condition et de tout âge.

Le silence le plus profond régnait sur la foule immense ; on eût entendu les ailes du moucheron des fleuves, le souffle du moindre vent, le passage des grains de poussière qu’il soulève ; mais l’air était calme, le soleil brillant, le ciel bleu. Tout le peuple écoutait. On était proche de la place des Terreaux ; on entendit les coups de marteau sur des planches, puis la voix de Cinq-Mars.

Un jeune chartreux avança sa tête pâle entre deux gardes ; tous les conjurés se levèrent au-dessus du peuple