Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/474

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reux est grande, plus la bonté de Sa Majesté paroist. Du septiesme juillet 1642.

Et le 7, il fait venir M. de Thou dans sa chambre, l’envoyant chercher dans la prison de Tarascon. J’ai sous les yeux ce curieux interrogatoire, et le donne tel qu’il a été conservé mot pour mot. Il n’est pas superflu de faire remarquer le ton de politesse exquise des deux personnages, dont aucun n’oublie le rang et le caractère de l’autre, et qui semblent toujours avoir dans la pensée leur vieil adage : Un gentilhomme en vaut un autre.


Interrogatoire et réponse de M. de Thou à Monseigneur le Cardinal-Duc, qui l’envoya quérir en la prison du chasteau de Tarascon. (Journal de M. le cardinal de Richelieu, qu’il a fait durant le grand orage de la cour, en l’année 1642, et tiré des mémoires qu’il a escrits de sa main. M. DC. XLVIII.)


M. Le Cardinal. Monsieur, je vous prie de m’excuser de vous avoir donné la peine de venir icy.

M. De Thou. Monseigneur, je la reçois avec honneur et faveur.

Après, il lui fit donner une chaise près de son lit.

M. Le Cardinal. Monsieur, je vous prie de me dire l’origine des choses qui se sont passées cy-devant.

M. De Thou. Monseigneur, il n’y a personne qui le puisse mieux sçavoir que Votre Éminence.

M. Le Cardinal. Je n’ai point d’intelligence en Espagne pour le sçavoir.

M. De Thou. Le Roy en ayant donné l’ordre, Monseigneur, cela n’a peu estre sans vous l’avoir fait connoistre.

M. Le Cardinal. Avez-vous escrit à Rome et en Espagne ?

M. De Thou. Ouy, Monseigneur, par le commandement du Roy.

M. Le Cardinal. Estes-vous secrétaire d’État, pour l’avoir fait ?

M. De Thou. Non, Monseigneur ; mais le Roy me l’avoit commandé, je n’ai peu faillir de le faire.

M. Le Cardinal. Avez-vous quelque pouvoir de cela ?

M. De Thou. Ouy, Monseigneur, la parole du Roy, et un commandement de le faire par escrit.

M. Le Cardinal. Si est-ce que M. de Cinq-Mars n’en a rien dit ?