Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/491

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sonnes, par la difficulté de se reporter à cette époque où, dans les plus graves circonstances, on s’attachait à contenir plus qu’à exprimer chaleureusement ses émotions, et où le grand monde, dans les écrits et les discours, fuyait le pathétique autant que nous le cherchons.


Lettre de M. le Grand à madame sa mère, la marquise d’Effiat.


Madame ma très-chère et très-honorée mère, je vous escris, puisqu’il ne m’est plus permis de vous voir, pour vous conjurer, madame, de me rendre deux marques de votre dernière bonté : l’une, madame, en donnant à mon âme le plus de prières qu’il vous sera possible, ce qui sera pour mon salut ; l’autre, soit que vous obteniez du Roy le bien que j’ai employé dans ma charge de grand-escuyer, et ce que j’en pouvois avoir d’autre part auparavant qu’il fust confisqué, ou soit que cette grâce ne vous soit pas accordée, que vous ayez assez de générosité pour satisfaire à mes créanciers. Tout ce qui dépend de la fortune est si peu de chose, que vous ne devez pas me refuser cette dernière supplication, que je vous fais pour le repos de mon âme. Croyez-moi, madame, en cela plutôt que vos sentiments s’ils répugnent en mon souhait, puisque, ne faisant plus un pas qui ne me conduise à la mort, je suis plus capable que qui que ce soit de juger de la valeur des choses du monde. Adieu, madame, et me pardonnez si je ne vous ay pas assez respectée au temps que j’ai vescu, et vous assurez que je meurs,

Ma très-chère et très-honorée mère,
Votre très-humble et très-obéissant et très-obligé fils et serviteur,
Henri d’Effiat de Cinq-mars.


Le manuscrit original est à la Bibliothèque royale de Paris (manusc. no 9327), écrit d’une main ferme et calme.


Sur la dernière lettre de M. François-Auguste de Thou.


On a vu que, laissé seul un moment dans sa prison, M. de Thou écrivit une lettre qui fut remise à son confesseur. Voilà, disait--